Il y avait foule, lundi, à l'exhumation d'ossements dans la crypte de l'église Saint-Apollinaire, au coeur de Rome. Mais il ne s'agissait pas de ceux d'un saint ou d'un martyr. Mais bien la tombe d'un criminel romain, où la police soupçonnait qu'étaient cachés les restes d'une adolescente enlevée en 1983, peut-être par la mafia.

«C'est un fait positif, afin que tout soit fait pour le déroulement et la conclusion de l'enquête», a déclaré à Radio-Vatican le jésuite Federico Lombardi, qui n'est pas habitué à commenter des enquêtes criminelles, au lendemain de l'exhumation.

Mais l'Église, qui a résisté pendant sept ans à l'exhumation, n'est pas au bout de ses peines: 200 boîtes d'os ont été découvertes près de la tombe du trafiquant de drogue Enrico De Pedis. Le soir même, l'avocat de la veuve De Pedis a affirmé aux médias réunis devant l'église de la place Navone qu'il exigerait que l'ADN de ces os inconnus soit testé, pour laver le nom de ses clients.

Il faut dire qu'Enrico De Pedis a déjà beaucoup de choses à se faire pardonner. Il a terrorisé Rome dans les années 70 comme l'un des chefs de la «bande de la Magliana», et il est mort dans un règlement de comptes en 1990 pendant qu'il se promenait en scooter à deux pas de la place Navone.

Le Vatican n'a jamais expliqué pourquoi il était enterré à Saint-Apollinaire, propriété de l'Opus Dei - le curé de l'époque avait invoqué ses «bonnes oeuvres auprès des pauvres». Une enquête du quotidien Il Messaggero en 1997 avait forcé l'Église à interdire au public l'accès à la crypte et un juge avait ordonné une enquête de la direction des enquêtes antimafia à ce sujet.

C'est qu'une rumeur associait depuis longtemps la mafia à la disparition d'Emanuela Orlandi en 1983. L'Institut pour les oeuvres de religion (IOR), banque du Vatican, a été mêlé dans les années 80 à une faillite frauduleuse d'une banque italienne et soupçonné de liens avec la mafia. Le président de l'IOR aurait été vu dans une voiture liée à la disparition de la jeune Orlandi. La thèse veut que la mafia ait demandé à De Pedis de faire disparaître la fille de 15 ans pour intimider son père, fonctionnaire au secrétariat d'État du Vatican. Emanuela Orlandi a été enlevée au moment où elle rentrait d'un cours de musique au domicile familial, situé dans le Vatican.

La présence du cadavre de la disparue dans la tombe de De Pedis a été évoquée pour la première fois en 2005 par un appel anonyme à une émission télévisée sur les crimes non élucidés, puis en 2008 par une maîtresse de De Pedis. En attendant les résultats des analyses d'ADN, la seule chose certaine, c'est que le bandit assassiné sera dorénavant enterré dans un cimetière ordinaire.