Alain Penin, un psychologue qui a réalisé en 2009 l'expertise de Mohamed Merah, le tueur en série de Toulouse et Montauban (sud-ouest), décrit un garçon fragile, influençable, fasciné par la violence et souffrant d'une «faille identitaire» ayant favorisé l'émergence d'un «processus monstrueux».

M. Penin avait relevé que le beau-père de Merah, un islamiste radical, avait pu avoir de l'influence sur lui et que le jeune homme n'avait pas digéré d'être refoulé par l'armée. Il avait préconisé un suivi psychologique.

Q: Quel est le profil psychologique de Mohamed Merah?

R: «On le décrit comme un monstre, il en est un, mais il a une histoire complexe.

Quand je l'ai examiné en 2009 (à la suite d'un refus d'obtempérer à un contrôle routier, NDLR), j'ai vu un garçon extrêmement fragile, anxieux, en difficulté, très fragile affectivement avec une organisation un peu névrotique de sa personnalité.

Son père a quitté sa mère alors qu'il avait cinq ans, elle s'est retrouvée complètement dépassée dans ses responsabilités éducatives et n'a pas pu assurer la sécurité affective de ce garçon, qui a été placé en foyer, en famille d'accueil et en institution.

Par la suite, il s'est signalé par des conduites antisociales, des actes de délinquance mineure à l'adolescence».

Q: À quel moment bascule-t-il?

R: «Quand son père est parti définitivement en Algérie en 2007/2008, il s'est trouvé confronté à un problème d'identité, à un problème de sécurité affective et c'est à ce moment-là qu'il a tenté de rejoindre la Légion étrangère. Les militaires ont malheureusement confirmé les intuitions que j'avais et ne l'ont pas accepté dans la Légion. Il l'a très mal vécu (...).

C'est le déclenchement d'une orientation différente, un autre effondrement narcissique. C'est à ce moment-là, semble-t-il, qu'il est parti en Afghanistan et que le processus monstrueux s'est mis en place, c'est-à-dire qu'il a complètement réorienté sa manière de voir les choses, de voir le monde.

Il y a un caractère narcissique qui apparaissait déjà en 2009. Au cours des derniers jours, il est devenu le centre du monde, il a vu ses nécessités narcissiques être totalement comblées, mais jusqu'à la mort».

Q: Était-il influençable?

R: «Quand on est fragile comme ça, quand on a des failles identitaires, quand on a une anxiété, on est prêt à se rapprocher de quelque chose susceptible de rétablir une forme de sécurité. Influençable? Oui certainement».

Q: À quel moment se tourne-t-il vers la religion?

R: «Un beau-père est arrivé dans l'environnement familial, avec un profil de radical islamiste. Il y a un problème d'identification. Il s'est mis à faire le ramadan, à faire la prière, à lire le Coran, une façon symbolique de retrouver le personnage paternel, qui s'est retiré définitivement en Algérie».

Q: Quelles étaient vos recommandations?

R: «À l'époque de mon expertise, j'avais préconisé une prise en charge psychothérapique et des mesures d'encadrement, et de suivi au plan éducatif. Faute de (cela), je réservais le pronostic évolutif. Il a fait une tentative de suicide par pendaison en maison d'arrêt et avait été hospitalisé 15 jours en hôpital psychiatrique».

Q: Que révèlent son goût pour les images de décapitation et le fait qu'il ait filmé ses meurtres?

R: «Qu'à un moment donné, il a été fasciné par la violence, et que ça a été une des seules façons de s'exprimer. Après, on entre dans un processus de désensibilisation de cette violence qui devient naturelle et qui est source d'excitation».

(propos recueillis par Alexandre PEYRILLE)

Selon le ministère de la Défense, Merah a passé une nuit en juillet 2010 au point d'information de la Légion étrangère de Toulouse, mais est reparti «de son propre chef», sans participer aux tests de sélection.