Benoît XVI est vieux, mais n'est pas malade. Malgré tout, pour la première fois depuis sept ans, les vaticanistes commencent à dresser leur liste de papabili, les cardinaux les plus susceptibles d'être élus pape au prochain conclave.

Des rumeurs persistantes de démission de Benoît XVI alimentent les conjectures. «On sent un air de fin de pontificat», explique Andres Beltramo Alvares, vaticaniste pour l'agence mexicaine Notimex. «Benoît XVI a une bonne forme physique pour un homme de 85 ans, mais justement, à cet âge, tout peut arriver. Et on voit bien qu'il y a une lutte de pouvoir au sein du Vatican, comme si des personnes influentes voulaient se positionner en vue d'un changement de la garde.»

Depuis 500 ans, seulement cinq papes sont morts après 85 ans, et un seul après 87 ans (Léon XIII, mort en 1903 à 93 ans), souligne John Allen, vaticaniste à l'hebdomadaire américain National Catholic Reporter. «Tout récemment, deux influents partisans laïques de Benoît XVI en Italie ont évoqué une transition vers un autre pape, dit M. Allen. C'est le signe qu'on s'attend à un changement.»



«Vatileaks»


Depuis le début de l'hiver, cette effervescence est alimentée par le scandale «Vatileaks», la publication par des journaux italiens de documents confidentiels de la Curie romaine, le gouvernement du Vatican. Ces documents font très mal paraître le bras droit du pape, Tarcisio Bertone, le secrétaire d'État.

«Les diplomates de carrière du Vatican digèrent mal que Bertone soit à leur tête, alors qu'il n'est pas des leurs», indique Andrea Tornielli, vaticaniste au quotidien turinois La Stampa. «Benoît XVI a voulu renouveler l'Église, mais la Curie regimbe.»

Ces fuites ont paradoxalement écarté la possibilité d'un départ à la retraite de Benoît XVI, selon Antonion Socci, le journaliste qui a lancé la rumeur en septembre dans le quotidien milanais Il Giornale. «Des sources au sein du Vatican m'avaient affirmé qu'il envisageait sérieusement de prendre sa retraite après son 85e anniversaire, dit M. Socci. Il avait évoqué, dans un livre d'entretiens en 2010, la possibilité qu'un pape prenne sa retraite s'il n'avait plus la force physique ou spirituelle de faire sa mission. Mais il a aussi dit, et redit lors du consistoire de février, qu'un pape ne peut pas quitter le bateau dans la tempête.»

Trois courants

John Allen a récemment évoqué trois courants parmi les papabili. Il s'agit de trois manières de réagir à la réforme qu'a voulu faire Benoît XVI au Vatican: remplacer les luttes de pouvoir occultes entre diplomates de carrière par une direction transparente, morale et pédadogue.

«On pourrait avoir un pape traditionnel, issu de la Curie romaine, qui mettrait les dissidents au pas mais mettrait un terme à cette réforme, dit M. Allen. Je pense par exemple à Leonardo Sandri. Ou alors, la continuité avec la réforme, en misant sur le fait que les dissidents, éventuellement, seraient conquis par l'exemple moral de cette nouvelle génération. Le Vatican, après tout, raisonne en siècles. On peut ici penser à Marc Ouellet. Enfin, il pourrait y avoir un pape «jacobin», qui serait plus rapide avec les réformes. Et ici, je vois Timothy Dolan. On a souvent dit qu'un pape américain est improbable, parce que les États-Unis sont une superpuissance. Mais au Vatican, la superpuissance est le bloc des cardinaux italiens de la Curie.»

TIMOTHY DOLAN

C'est la nouvelle étoile américaine. En moins de 10 ans, il a gravi les échelons de la hiérarchie aux États-Unis, passant d'évêque auxiliaire de Saint-Louis à archevêque de New York et président de la puissante Conférence des évêques catholiques. Il est jeune, 62 ans, charismatique et conservateur sans être extrémiste - il ne refuse pas la communion aux politiciens pro-choix et considère qu'un homosexuel peut être prêtre s'il est chaste. Selon John Allen, du National Catholic Reporter, son discours au consistoire qui l'a fait cardinal, en février dernier, a été électrisant.

Photo Reuters

Timothy Dolan

MARC OUELLET

Le Québécois de 69 ans n'a pas eu la vie facile quand il dirigeait l'archevêché de la Vieille Capitale. Mais au Vatican, il est vu comme l'un des héritiers spirituels de Benoît XVI, sinon sa copie conforme. Comme le pape, il est proche d'Urs von Balthazar, un théologien suisse mettant l'accent sur la beauté et la vérité de la foi, et est considéré comme un pédagogue de haut niveau. Il a des liens étroits avec l'Amérique latine, ayant dirigé des séminaires en Colombie, une communauté d'esprit avec la nouvelle génération d'évêques américains - surnommés les « conservateurs créatifs » parce qu'ils sont capables de marier doctrine et modernité - et il est en train de remodeler l'Église québécoise à son image, un exemple de la « nouvelle évangélisation » de l'Occident que réclame Benoît XVI.

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Marc Ouellet

LEONARD SANDRI

Né en Argentine de parents italiens en 1943, il pourrait attirer les votes italiens et latino-américains. Il a fait son entière carrière au Vatican, dans le service diplomatique, où il s'est taillé une réputation de gestionnaire intransigeant et efficace, selon John Allen du National Catholic Reporter. C'est lui qui, en 2005, a annoncé au monde entier, du balcon de la place Saint-Pierre, la mort de Jean-Paul II. Par contre, il n'a jamais dirigé de diocèse, ce qui pourrait lui nuire.

Photo AFP

Leonardo Sandri