La Bosnie a célébré jeudi les 20 ans de son indépendance de l'ex-Yougoslavie, un anniversaire qui reflète les profondes divisions entre les principales communautés du pays, en guerre dans les années 1990.    

«Le 1er mars 1992, la Bosnie-Herzégovine est devenue, par la volonté de la majorité de ses citoyens, un État indépendant et souverain», a affirmé dans un communiqué le membre croate de la présidence tripartite de Bosnie, Zeljko Komsic.

Mais, tout comme il y a vingt ans, des cérémonies ont été organisées dans l'entité croato-musulmane et ignorées dans l'entité serbe, qui forment la Bosnie depuis la fin de la guerre inter-communautaire de 1992-95.

Cet anniversaire «illustre les divisions profondes au sein de la société» locale, note l'analyste politique Tanja Topic.

«En Bosnie, il n'existe aucune entente sur le passé, sur ce qui s'est passé pendant la guerre, et donc aucun compromis sur les fêtes nationales, tout comme il n'y a pas de vision commune pour l'avenir du pays», a-t-elle estimé.

À Sarajevo, M. Komsic et le membre musulman de la présidence, Bakir Izetbegovic, ont déposé des gerbes de fleurs au cimetière des combattants et au monument des enfants tués pendant le siège de la capitale bosnienne par les forces serbes de Bosnie.

Ce siège, qui a pratiquement duré pendant tout le conflit, a coûté la vie à environ 10 000 civils, dont 1500 enfants.

«Pour nous, c'est une des dates et décisions unilatérales qui nous avaient conduits dans le conflit», a dit le président du Parlement de l'entité serbe, Igor Radojicic.

Malgré les divisions, M. Izetbegovic s'est dit convaincu que la Bosnie serait un jour «aimée» par tous ses citoyens.

«Les gens ne veulent plus de conflits et de tensions, mais une vie normale. C'est déjà une bonne plateforme pour construire un pays dans lequel tous les habitants, indépendamment de leur appartenance ethnique, se sentiront bien», a-t-il déclaré à l'AFP.

Au référendum sur l'indépendance qui s'était déroulé le 29 février et le 1er mars 1992, les musulmans et les Croates avaient voté à 99% pour. Le scrutin avait été boycotté par les Serbes.

Un mois plus tard, le pays a été reconnu par la Communauté européenne et les États-Unis, mais les Serbes, soutenus par Belgrade, se sont opposés à cette indépendance. La guerre qui a commencé début avril 1992 a fait quelque 100 000 morts et 2,2 millions de réfugiés et déplacés.

Aujourd'hui, même des Croates de Bosnie, mécontents de leur statut au sein de l'entité croato-musulmane où ils sont minoritaires, ne célèbrent plus l'indépendance.

«J'avais voté en faveur de l'indépendance en 1992. Mais si on me demande si nous avons aujourd'hui la Bosnie qu'on imaginait, je réponds: non», a déclaré le leader de la principale formation politique des Croates de Bosnie, Dragan Covic.

Considéré par sa communauté comme le père de l'indépendance, le leader musulman de l'époque, Alija Izetbegovic, est décédé en 2003. Le chef politique des Serbes de Bosnie durant la guerre, Radovan Karadzic, est jugé depuis octobre 2009 par la justice internationale pour génocide.

Aujourd'hui, toutes les six anciennes Républiques yougoslaves sont indépendantes. La Slovénie fait partie de l'Union européenne depuis 2004 et la Croatie est appelée à y adhérer en 2013.

La même perspective est promise aux autres ex-républiques mais la Bosnie, paralysée par des querelles inter-communautaires, est à la traîne.