Le président français Nicolas Sarkozy, qui s'apprête à plonger de plain-pied dans la bataille pour la reconquête du pouvoir, risque de voir sa campagne de 2007 passée au peigne fin à un moment embarrassant.

L'un des magistrats chargés d'enquêter sur les retombées de l'affaire Bettencourt, du nom de l'héritière de l'Oréal, s'intéresse de près aux dépenses et aux recettes qui ont été approuvées pour le candidat gagnant à l'issue du scrutin.

Une réquisition judiciaire a récemment été émise par le juge d'instruction Jean-Michel Gentil, qui a hérité du dossier à la fin de l'année dernière, pour obtenir les documents pertinents.

Il s'intéresse particulièrement aux allégations de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, qui affirme avoir remis en janvier 2007 la somme de 50 000 euros en espèces à l'ancien gestionnaire de fortune de la milliardaire française, Patrick de Maistre.

La somme, selon Mme Thibout, a été transmise le lendemain au trésorier de l'UMP, Éric Woerth, et était destinée au financement de la campagne du candidat de droite alors que la contribution maximale pour un particulier est fixée à 7500 euros par année.

M. Woerth a été convoqué hier au palais de justice de Bordeaux et longuement entendu par le juge, visiblement peu convaincu par les démentis répétés des principaux intéressés. Il est arrivé en matinée à bord d'un véhicule aux vitres teintées et a été interrogé pendant une douzaine d'heures.

Le tribunal, dans un communiqué diffusé tard en soirée, a annoncé que l'ex-ministre était mis en examen pour «trafic d'influence passif» dans le cadre de cette affaire, ramenant sous les projecteurs à un moment politique sensible des allégations jugées «scandaleuses» et «mensongères» par l'Élysée.

Comptes suisses

La somme à l'origine de son inculpation pourrait être encore plus importante puisque Mme Thibout a déclaré aux enquêteurs que M. De Maistre lui avait initialement réclamé 150 000 euros, ce qu'elle a refusé. Il se serait ensuite félicité de l'existence de comptes suisses permettant de compléter la somme de 50 000 euros.

S'il est ultimement jugé coupable, Eric Woerth s'expose à une amende de 150 000 euros et une peine d'emprisonnement de 10 ans. Il avait été exclu du gouvernement en 2010 après que ses liens troubles avec Patrick de Maistre furent devenus publics mais a repris du service depuis dans l'entourage du président français.

Le juge d'instruction s'intéresse aussi aux allégations du magistrat précédemment chargé du dossier, Isabelle Prévost-Desprez. Elle a déclaré dans un livre que l'infirmière de Mme Bettencourt a vu la riche héritière remettre des enveloppes directement à Nicolas Sarkozy. L'infirmière a nié avoir tenu de tels propos. Et l'Élysée dément catégoriquement toute malversation.