À six mois des Jeux, une médaille devrait déjà être décernée aux organisateurs des XXXes Olympiades qui s'ouvriront à Londres le 27 juillet prochain. Les enceintes sportives sont pratiquement terminées et le budget, révisé à 14,6 milliards de dollars en 2007 (le triple de l'estimation initiale), a été respecté. Toutefois deux grands impondérables demeurent: le transport et, surtout, la sécurité des Jeux. À en croire le branle-bas de combat dans la capitale, les Londoniens se préparent au pire.

Ces jours-ci, Londres semble guetter un débarquement. Des embarcations militaires côtoient les bateaux de plaisance sur la Tamise. Des avions de combat hachurent le ciel. Et une base pour les forces spéciales de l'air (Special Air Service) est en construction à proximité du parc olympique, selon le tabloïd The Sun.

Pour les Britanniques, les Jeux ne sont pas qu'une célébration du sport et une promesse de relance économique; ils représentent la plus importante opération de sécurité en temps de paix au pays.

Pas moins de 13 500 soldats seront mis à partie, tout comme 12 000 policiers et 23 700 gardiens de sécurité. Le budget pour la sécurité des installations a été doublé à 870 millions de dollars en décembre.

Et il enflera encore, prédit Tobias Feakin, directeur de la sécurité nationale à l'institut RUSI. «À mesure que les Jeux approchent, les organisateurs deviennent plus nerveux, dit l'expert à La Presse. Le comité olympique de Vancouver a dépensé 900 millions de dollars au total dans ce dossier alors que seulement 200 millions avaient été alloués au départ.»

C'est la première fois que l'armée, la police et le MI5 -les services de renseignements - coordonnent leurs effectifs à cette échelle, notamment dans des exercices de simulations d'attaques terroristes.  

Menace terroriste

Car voilà bien ce qui inquiète les autorités, davantage que l'éclatement de nouvelles émeutes. Londres a été la cible d'attaques répétées au cours des 30 dernières années. Le 7 juillet 2005, 24 heures après avoir remporté la tenue des Jeux de 2012, la capitale fut secouée par quatre explosions dans ses transports en commun.

L'envers de la médaille, c'est qu'elle est mieux préparée. «Nous avons déjà beaucoup d'infrastructures en place pour faire face à toute éventualité, note Tobias Feakin. D'ailleurs, la taille de nos forces spéciales a doublé depuis les attentats contre le World Trade Centre.»

Mais l'opération de surveillance n'est toujours pas au point. Le personnel du parc olympique n'a pas réussi à intercepter une fausse bombe ni 20 kilos d'explosifs lors d'entraînements ce mois-ci. L'armée rapatriera tous ses chiens renifleurs d'Afghanistan à temps pour les Jeux.

Malgré toute cette agitation, les autorités britanniques ont promis des forces de sécurité discrètes. Les fouilles à l'entrée des enceintes seront semblables à celles dans les aéroports.

Nous ne voulons pas que les visiteurs aient l'impression de se promener dans une ville assiégée», a souligné Sebastian Coe, président du comité d'organisation.

Transport

C'est pourtant ce que redoutent les Londoniens, qui seront envahis par cinq millions de touristes additionnels. Pessimistes de nature, ils prédisent le chaos dans le métro et dans le réseau routier. Des voies réservées à la «famille olympique», soit 55 000 personnes, s'étendront sur 60 kilomètres afin d'éviter les retards des athlètes aux compétitions, comme ce fut le cas à Atlanta.  

Le premier week-end des Jeux sera «la tempête parfaite» (the perfect storm) pour les automobilistes, a prédit une firme d'analyse du trafic routier, Inrix. Dans le meilleur des cas, la congestion augmentera de 30%.  

Une petite hausse qui pourrait compliquer les livraisons aux entreprises...et aux hôpitaux. Ainsi, des cliniques craignent de manquer de sang et d'organes et étudient déjà d'autres façons de s'approvisionner. Le département des transports de la Ville offre de son côté des ateliers pour aider les commerçants à survivre aux Jeux.

Opération de sécurité historique, grande affluence dans les transports...Les Londoniens devront se réapproprier le slogan popularisé pendant la Seconde Guerre mondiale: «Gardez votre calme et poursuivez» (Keep calm and carry on).

Sueurs froides, six mois avant les jeux

Montréal, janvier 1976

Les importants retards dans la construction du Stade olympique font craindre le pire: l'annulation des Jeux d'été dans la métropole. Lors d'une réunion d'urgence, l'architecte Roger Taillibert somme le premier ministre québécois Robert Bourassa de tout faire pour sauver les Jeux, sans quoi, ils ne reviendront jamais à Montréal. Le chef libéral répond par une injection de 300 millions de dollars supplémentaires. Au total, le Stade et les installations olympiques auront coûté 1,5 milliard de dollars sur 30 ans.

Pékin, février 2008

Le célèbre réalisateur Steven Spielberg abandonne son rôle de conseiller artistique pour les premiers Jeux en sol chinois. L'Américain critique le soutien de la Chine pour le régime soudanais, qu'il tient responsable de la crise humanitaire au Darfour. «La Chine devrait faire davantage pour arrêter les crimes commis contre la population du Darfour», explique-t-il dans un communiqué. La réplique de Pékin? Spielberg manque d'«esprit olympique» et ne devrait pas mêler sport et politique. Des groupes de défense des droits de l'homme espèrent qu'il s'agit d'un prélude à un été de protestations à Pékin. Mais les Jeux se déroulent sans heurts.

Londres, janvier 2012

Des politiciens et des personnalités publiques, dont l'acteur Martin Sheen, font pression auprès du comité olympique britannique pour qu'il abandonne son partenariat avec Dow Chemical. Le géant de la fabrication de plastique est propriétaire d'Union Carbide, dont une usine a explosé en 1984, faisant jusqu'à 25 000 morts à Bhopal, en Inde. Autre coup d'éclat: une commissaire sur l'éthique des Jeux démissionne en direct sur la BBC. «À ce jour, beaucoup de victimes n'ont toujours pas reçu de compensation financière», précise Meredith Alexander. Dow Chemical doit revêtir les parois du stade olympique - qui a coûté 762 millions de dollars aux Londoniens.

Les JO en chiffres

6250 - échantillons seront analysés au laboratoire antidopage lors des jeux

70 000 - bénévoles veilleront à leur bon déroulement

1,1 milliard - de dollars seront dépensés par les visiteurs

4 milliards - de téléspectateurs regarderont la cérémonie d'ouverture

50 000 - policiers, soldats et gardes de sécurité seront sur le pied d'alerte

97 - personnes soupçonnées de fraude liée aux jeux ont déjà été arrêtées