Le scandale des implants mammaires défectueux a connu un rebondissement majeur, avec la mise en garde à vue jeudi en France de Jean-Claude Mas, le fondateur de la société PIP qui fabriquait ces prothèses portées par des centaines de milliers de femmes dans le monde.

«Jean-Claude Mas a été interpellé à 07h00 (06H00 GMT) et placé en garde à vue», a déclaré à l'AFP le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest. L'arrestation a eu lieu au domicile de sa compagne, à Six-Fours, une localité du département du Var, dans le sud-est de la France.

Sorti caché dans un fourgon gris banalisé, précédé par une voiture de la gendarmerie, gyrophare allumé, M. Mas a ensuite été emmené à la caserne de la gendarmerie nationale à Marseille, selon un photographe de l'AFP présent sur place.

L'ancien directeur financier de la société Poly Implant Prothèse (PIP), Claude Couty, a également été interpellé dans cette même région, où était installée la société, a précisé le procureur.

Les gendarmes chargés de l'enquête procédaient jeudi matin à des perquisitions aux deux domiciles, en particulier chez la compagne de Jean-Claude Mas, où se trouveraient des oeuvres d'art de valeur et où ils espèrent mettre la main sur des pièces à conviction.

Les deux anciens responsables de PIP vont être transférés chez la juge d'instruction, selon la même source.

Jean-Claude Mas, 72 ans, n'a pas fait d'apparition publique depuis que le scandale a éclaté, quelques mois après la mise en faillite de la société en 2010.

Il admet avoir produit un gel de silicone non homologué pour la fabrication des implants, mais réfute tout danger pour la santé. «Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait, car le gel PIP était moins cher (...) et de bien meilleure qualité», avait expliqué M. Mas en octobre aux gendarmes, selon un procès-verbal d'audition dont l'AFP avait eu copie.

Il avait réitéré cette position à la mi-janvier dans un entretien téléphonique avec la chaîne de télévision M6.

Les implants de PIP étaient remplis d'un gel de silicone irritant pour les tissus et présentaient un «taux de rupture» élevé, de l'ordre de 5% selon des chiffres fournis par les autorités françaises. Toutefois, aucun lien n'a été établi avec la vingtaine de cas de cancer relevé parmi des femmes qui avaient des implants PIP.

Les prothèses étaient fabriquées en France, mais 84% d'entre elles partaient à l'exportation, notamment en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne. De 400 000 à 500 000 femmes seraient porteuses d'implants PIP dans le monde.

En France, où 2500 plaintes ont été déposées, le gouvernement a recommandé aux 30 000 femmes porteuses de prothèses Poly Implant Prothèse (PIP) de se les faire retirer. L'opération est prise en charge par la sécurité sociale, mais pas le remplacement des implants si ceux-ci avaient été posés pour des raisons esthétiques.

L'avocat de Jean-Claude Mas, Me Yves Haddad, a affirmé après son interpellation que son client était fatigué et avait besoin de voir un médecin. «Il n'est pas bien, il est fatigué et il attend son médecin», a-t-il dit.

Me Philippe Courtois, avocat de l'association des Porteuses de Prothèses PIP (PPP), s'est félicité de ce nouveau développement dans l'enquête. Mais «on n'attend pas grand chose de son audition dans la mesure où il s'est déjà exprimé avec des propos outrageants vis-à-vis de l'ensemble des victimes», a-t-il estimé.

La présidente de l'association PPP, Alexandra Blachère, doit se rendre vendredi chez la juge d'instruction. Une autre plaignante, Murielle Ajello, présidente du Mouvement de défense des femmes porteuses d'implants et de prothèses (MDFPIP), devait quant à elle être entendue dès ce jeudi, a-t-elle précisé à l'AFP.

Les arrestations de Jean-Claude Mas et de son ancien directeur financier entrent dans le cadre de l'une des deux procédures judiciaires ouvertes en France. Cette enquête pour «homicide et blessures involontaires» s'annonce particulièrement longue, avec des batailles d'experts autour de chaque cas individuel.

Selon une source judiciaire, l'instruction pourrait prendre plusieurs années.

Un deuxième volet, pour «tromperie aggravée», a déjà donné lieu à une enquête qui est close et doit déboucher sur un procès correctionnel d'ici à la fin 2012.