À l'instar des «indignés» espagnols, des militants tentent de lancer un mouvement de grande envergure en France pour faire entendre la voix des moins nantis.

Bien que le nombre de participants soit pour l'heure sans commune mesure avec celui observé en Grèce ou en Espagne, où des dizaines de milliers de jeunes en colère ont occupé pendant des semaines les places centrales de plusieurs grandes villes, les manifestations en tout genre se multiplient dans l'Hexagone.

Le site Réelle Démocratie publie chaque jour une longue liste des activités prévues pour faire connaître le mouvement, qui se propose de «reprendre la rue» afin de faire pression sur une classe politique «devenue sourde».

«C'est la seule manière pour beaucoup de gens qui se sentent abandonnés par le discours politique de se faire entendre», souligne Ophélie Latil, employée d'ONG de 27 ans.

Venue d'un collectif qui milite contre l'abondance des stages peu rémunérés, voire bénévoles en France, elle souligne que l'objectif est «de créer une nouvelle forme de mobilisation, un nouvel espace de débats» loin des partis et des syndicats.

Les Français, dit-elle, «veulent de nouvelles propositions» pour lutter contre le chômage et la précarité et ne veulent pas faire les frais des plans d'austérité imposés à l'échelle européenne.

«Indignez-vous!»

«Une résistance tacite est en train de se mettre en place en France et un peu partout en Europe», souligne Julien Kien, étudiant à la maîtrise, qui participe au mouvement des «indignés», inspiré en partie par le best-seller Indignez vous!, de l'ancien résistant français Stéphane Hessel.

«Quand on a vu ce qui se passait en Espagne il y a quelques semaines, on s'est dit qu'il fallait proposer un grand rassemblement à la Bastille», note ce Parisien, aussi âgé de 27 ans.

Pendant plusieurs jours, des militants ont convergé vers les marches de l'Opéra Bastille, au coeur de la célèbre place, pour manifester. Le 29 mai, plus d'un millier de personnes étaient présentes lorsque les forces policières ont décidé de les évacuer en utilisant des gaz lacrymogènes.

Depuis, chaque soir, des policiers bloquent l'accès aux marches, relève M. Kien, qui accuse les autorités de «vouloir délibérément étouffer» le mouvement. «C'est ça, la France d'aujourd'hui», déplore-t-il.

Ophélie Latil pense que les autorités craignent de voir naître une initiative populaire qui peut leur échapper complètement. «Le message est qu'on ne rigole pas avec les petits clowns qui refusent de jouer le jeu politique habituel... Les gens disent que le pouvoir ne les écoute pas, ils prennent la place pour se faire entendre et on leur répond par la force», déplore-t-elle.

Campement à Paris

Les militants parisiens, qui ont tenu dimanche dernier une assemblée sur le parvis du centre Georges-Pompidou, au coeur de la ville, ont annoncé qu'ils entendaient créer un campement permanent aujourd'hui dans un lieu qui n'a pas encore été divulgué. Des campements de petite taille ont déjà été aménagés dans plusieurs autres villes, suscitant des réactions diverses des autorités locales.

La sociologue Cécile Van de Velde, qui étudie la situation des jeunes en Europe, ne pense pas que les conditions soient réunies en France pour qu'on assiste à un mouvement de grande envergure.

Dans les pays du nord de l'Europe, «les jeunes ont été beaucoup plus protégés des ravages de la crise» que dans les pays du Sud, comme la Grèce, le Portugal ou encore l'Espagne, où le taux de chômage chez les jeunes atteint 40%.

Le ministre des Affaires étrangères de la France, Alain Juppé, a indiqué récemment qu'il ne croyait pas à un «été européen» calqué sur le «printemps arabe», une autre source d'inspiration évoquée par les militants français.

Quoi qu'il en soit, Julien Kien pense que les actions des «indignés» vont continuer à gagner en importance: «On touche les gens... La population a pris l'habitude de se taire depuis cinq ans, mais les choses bougent.»