La Russie a célébré la mémoire du premier président de l'ère post-soviétique, Boris Eltsine, qui aurait eu 80 ans mardi, en se divisant sur son héritage en matière de libertés, que l'opposition estime trahi par ses successeurs Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.

Les commémorations ont été organisées en grande pompe pour la première fois depuis le décès en 2007 à 76 ans de Boris Eltsine, avec notamment l'inauguration d'un monument à Ekaterinbourg, sa ville natale dans l'Oural, ainsi qu'un concert mardi soir au Bolchoï à Moscou.

«La Russie doit être reconnaissante à Eltsine d'être resté sur la voie des (...) réformes dans une période très difficile», a déclaré le président Dmitri Medvedev pendant l'inauguration de la statue de marbre blanc.

Boris Eltsine avait été dirigeant régional à l'époque soviétique dans cette ville, alors appelée Sverdlovsk, avant de monter à Moscou à la fin des années 1980, et concourir à la chute du régime soviétique en prenant la tête de l'opposition au putsch conservateur d'août 1991.

M. Medvedev a vanté un homme de «caractère» et qui «aimait son pays», dont l'exercice du pouvoir a permis «l'avènement de la société civile» en Russie.

Près de quatre ans après sa mort, Boris Eltsine symbolise encore pour nombre de Russes davantage le chaos économique, les guerres de clans au sein d'une oligarchie naissante dans les couloirs du Kremlin, ainsi que des épisodes peu glorieux quand il était malade et diminué par l'alcool.

Les intervenants d'une série d'émissions sur les chaînes nationales ont vanté pour leur part ces derniers jours son «intuition» politique, sa fidélité aux libertés acquises et le rempart qu'il aura fait aux conservateurs et aux communistes.

«Dans les années 1990, la Russie est née une deuxième fois. Elle est devenue un Etat ouvert», a renchéri l'actuel Premier ministre Vladimir Poutine, s'exprimant avant le concert au Bolchoï.

Boris Eltsine a permis aux gens de donner leur opinion et simplement de voir le monde, a-t-il ajouté sur l'homme qui le désigna fin 1999 comme son successeur au Kremlin, selon les agences russes.

L'ex-chef de cabinet de Boris Eltsine, Valentin Ioumachev, a néanmoins affirmé mardi que celui-ci était «déçu» par la politique de son successeur, dans un entretien au quotidien populaire Moskovski Komsomolets, rompant un présumé pacte de non-agression entre M. Poutine et les proches de l'ancien président.

«Publiquement, il ne s'est exprimé que sur deux choses: le rétablissement de l'hymne soviétique (qui avait été remplacé après la chute de l'URSS en 1991, NDLR) et la suppression de l'élection des gouverneurs», deux décisions prises par Vladimir Poutine au cours de ses deux mandats au Kremlin (2000-2008), a ajouté M. Ioumachev.

Mais «il y a (aujourd'hui) indéniablement des tendances qu'aurait regrettées Boris Nikolaevitch, comme nous les regrettons», a déclaré M. Ioumachev, qui est l'époux de la fille cadette de Boris Eltsine, Tatiana.

Un des dirigeants de l'opposition libérale, Boris Nemtsov, a été plus sévère encore.

Les organisateurs du putsch de 1991, et ceux qui appelèrent à une insurrection armée en 1993 «ont tous été amnistiés», alors que «Poutine a condamné deux fois (l'ex-magnat du pétrole) Khodorkovski, la deuxième fois pour 14 ans», a-t-il rappelé dans un article publié sur l'internet par la radio Echo de Moscou.

«Eltsine a donné à la Russie une Constitution, Poutine l'a foulée aux pieds. (...) Eltsine a démissionné de son plein gré, et demandé pardon. Poutine s'accroche au pouvoir, et n'a pas l'intention de partir», a affirmé Boris Nemtsov, qui fut vice-Premier ministre dans les années 1990 et désigné un temps par Boris Eltsine comme son possible successeur.