La diplomatie européenne affiche, sous l'impulsion de la Britannique Catherine Ashton, des ambitions très modestes au risque de décevoir ceux qui croyaient que le traité de Lisbonne allait conférer à l'UE une visibilité accrue dans le monde.

Lors d'une récente réunion des principaux responsables politiques du tout nouveau Service européen d'action extérieure (SEAE), la haute représentante aux Affaires étrangères et à la politique de sécurité a exposé des idées « très en retrait » des prérogatives que lui accorde le traité de Lisbonne qui a créé sa fonction, juge un diplomate européen.

Selon un compte-rendu de la réunion du 12 janvier obtenu par l'AFP, la baronne britannique a notamment plaidé en faveur d'une Union européenne qui « ne peut et ne doit pas nécessairement réagir aussi vite que ses États aux événements politiques » dans le monde.

Mme Ashton y a aussi fixé l'objectif de la « promotion de l'UE en tant que puissance douce («soft power») dans le monde », en « réconciliant » les vues parfois divergentes des 27 et des institutions européennes.

Par « puissance douce », on entend généralement une puissance qui exerce son influence par le seul pouvoir de la négociation diplomatique. Pas un mot en revanche, lors de cette réunion, sur la politique de défense européenne, dont Mme Ashton a aussi théoriquement la charge.

« Comme le Foreign Office britannique y est traditionnellement réticent, Mme Ashton ne s'y intéresse pas », persifle un diplomate bruxellois.

Paris, Berlin et Varsovie s'en sont d'ailleurs inquiétés dans une lettre en décembre. Ils ont réclamé des « résultats concrets » d'ici à la fin 2011, exigeant que Mme Ashton donne « une nouvelle impulsion » au développement de la défense européenne « en pleine complémentarité avec l'Otan ».

Certains diplomates européens voient aussi d'un mauvais oeil la surreprésentation, dans l'entourage de Mme Ashton et aux postes-clés du corps diplomatique, de Britanniques et de fonctionnaires originaires de pays de « sensibilité proche », atlantistes ou neutres, Suédois ou Néerlandais notamment.

Paris ne cache pas son agacement au sujet de la sous-représentation française aux postes stratégiques sur l'Afrique, son terrain de prédilection, et souhaite obtenir un rééquilibrage, observe un diplomate européen.

Après une année de difficiles négociations pour la mise en place du SEAE, « il est temps pour l'UE d'aborder les questions de fond de politique étrangère » même si la mécanique institutionnelle n'est pas encore entièrement réglée, juge le Center For European Policy Studies dans une analyse.

D'autant que du Bélarus à la Tunisie, de l'Égypte au Liban, la diplomatie européenne fait face à d'importants défis.

En Tunisie notamment, « du fait des contraintes institutionnelles et de la suprématie des États, l'UE n'a pas été une voix efficace et une plate-forme de discussion », analyse Maxime Larive, chercheur à l'Université de Miami.

Alors que le sous-secrétaire d'Etat américain Jeffrey Feltman a été lundi à Tunis le premier haut responsable occidental à visiter le pays depuis la chute du président Ben Ali, l'UE n'a dépêché que mercredi sur place un haut fonctionnaire.

« La crise tunisienne a représenté une occasion manquée pour Mme Ashton », déplore aussi l'eurodéputée verte Franziska Brantner, spécialiste des Affaires étrangères.

Pourtant, en tant que vice-présidente de la Commission européenne, un organe en théorie indépendant des États européens, « Mme Ashton n'est pas liée au consensus des 27 », observe Mme Brantner. « Elle pourrait tout à fait se permettre de prendre ses propres initiatives, mais elle ne le fait pas », regrette-t-elle.