L'ex-magnat du pétrole russe Mikhaïl Khodorkovski et son principal associé Platon Lebedev ont été reconnus coupables lundi dans leur deuxième procès pour vol de millions de tonnes de pétrole, une affaire lourde de sens politique.

«Le tribunal a établi que Khodorkovski et Lebedev avaient procédé au vol de biens dans le cadre d'un groupe organisé en utilisant leur fonction professionnelle», a déclaré le juge Viktor Danilkine qui a entamé lundi l'énoncé du jugement dans leur deuxième procès. MM. Khodorkovski et Lebedev sont emprisonnés depuis 2003.

Le tribunal les a également reconnus coupables pour «blanchiment» de 23,5 milliards de dollars.

L'énoncé du jugement va durer plusieurs jours et la peine ne sera annoncée qu'à la fin.

Mais la défense a déjà déclaré qu'elle allait faire appel du jugement. «Nous allons sans aucun doute faire appel», a déclaré Vadim Kliouvgant, principal avocat de M. Khodorkovski.

Le parquet a requis 14 ans de prison contre MM. Khodorkovski et Lebedev jugés depuis mars 2009 pour vol de 218 millions de tonnes de pétrole.

Entre 200 et 300 personnes dont beaucoup de journalistes se pressaient lundi matin devant le tribunal moscovite de Khamovniki. Seulement un petit groupe a réussi à entrer dans l'intérieur du tribunal.

«Liberté aux prisonniers politiques!», «La Russie sans Poutine!», scandaient les sympathisants, référence à l'homme fort de Russie Vladimir Poutine.

Des dizaines de personnes ont été interpellées, selon une journaliste de l'AFP.

L'affaire Ioukos est très largement considérée comme orchestrée par le pouvoir russe pour briser un homme d'affaires trop indépendant, qui finançait l'opposition et n'hésitait pas à contredire le président de l'époque Vladimir Poutine, actuel Premier ministre.

Ancien patron de Ioukos, fleuron de l'industrie pétrolière démantelé au profit d'entreprises proches du pouvoir, M. Khodorkovski et son principal associé Platon Lebedev sont incarcérés depuis 2003 et purgent déjà une peine de huit ans pour escroquerie à grande échelle et évasion fiscale.

L'énoncé du jugement devait initialement commencer le 15 décembre mais a été reporté au 27 décembre sans explications.

Vladimir Poutine a déclaré le 16 décembre que la place de Khodorkovski était en prison.

«Tout voleur doit aller en prison», a-t-il dit, estimant que les «crimes» de Khodorkovski avaient été «prouvés par la justice».

Pour de nombreux observateurs, le jugement sera un test du ton plus libéral affiché par le président Dmitri Medvedev, et enverra un signal aux élites et aux investisseurs étrangers.

Le chef de l'État a estimé qu'aucun responsable n'avait le droit d'exprimer sa position avant le jugement sans pour autant condamner les propos de M. Poutine.

Un conseiller du président russe Dmitri Medvedev a estimé que Khodorkovski devait être acquitté dans une entrevue au quotidien Kommersant.

«Seul l'acquittement serait un jugement qu'on pourrait considérer non seulement comme juste, mais aussi comme pragmatique et rationnel dans tous les sens», a déclaré Igor Iourguens, directeur de l'Institut du développement contemporain dont le Conseil de surveillance est présidé par M. Medvedev.

L'ambassadeur d'Allemagne à Moscou Ulrich Brandenburg a déclaré à la veille de l'énoncé du jugement que le procès de Khodorkovski suscitait l'inquiétude des milieux des affaires occidentaux en soulignant que le jugement serait «un test pour l'état de droit en Russie».