Le Vatican prépare une lettre pour les évêques du monde entier contenant des directives contre la pédophilie dans le clergé, a annoncé vendredi le Saint-Siège après une réunion de cardinaux qui a déjà suscité la vive «déception» d'une association de victimes.

L'ensemble des cardinaux de la planète avaient été conviés par le pape Benoît XVI à une «réunion de prière et de réflexion» sur plusieurs thèmes, dont, pour pour la première fois, celui des abus sexuels commis par des religieux.

 

À l'issue de cette rencontre, le Vatican a indiqué qu'il préparait une «circulaire» aux évêques du monde entier avec des directives pour «un programme coordonné et efficace» contre la pédophilie dans le clergé.

En exposant le sujet devant ses pairs, le cardinal William Levada a pris l'exemple du pape pour «l'écoute et l'accueil des victimes» et mis l'accent sur «la collaboration avec les autorités civiles» et «l'attention dans la sélection et la formation des futurs prêtres et religieux».

Au cours des débats, des cardinaux ont suggéré d'«aller voir ce qui se passait» dans les pays du Sud, selon les termes du cardinal français Jean Vingt-Trois, alors que les scandales révélés ces douze derniers mois ont éclaté en Europe et aux États-Unis.

«Malheureusement, nous sommes toujours dans l'attente (de nouvelles mesures) et les enfants sont encore vulnérables», a aussitôt réagi l'Association américaine de victimes SNAP.

«Nous n'avions pas beaucoup d'espoir sur cette rencontre car ces hommes d'église sont les mêmes qui ont ignoré et caché, et continuent d'ignorer et cacher, les crimes horribles contre les enfants», a ajouté l'association, qui espérait toutefois que «la hiérarchie catholique relève le défi» et «prenne de véritables mesures», comme la remise à la justice de tous les prêtres coupables.

Dans la journée, une poignée de victimes avaient protesté devant la presse place Navone à Rome en brandissant leurs photos d'enfance. «J'ai été ravagée sur le plan psychologique, je suis hantée chaque jour par ce qui s'est passé», a raconté à l'AFP Lucy Duckworth, une Britannique qui avait tout juste cinq ans lorsqu'elle a subi pour la première fois les sévices d'un prêtre.

Un peu plus tôt dans la presse, le cardinal mexicain très conservateur  Javier Lozano Barragan, interrogé sur ces abus avait lancé: «Je suis fatigué qu'on en parle, j'en ai par dessus la tête... C'est une vraie tempête médiatique».

Au cours de cette réunion à laquelle participaient quelque 150 cardinaux, parmi lesquels les 24 nouveaux qui ne recevront leur «barrette» (toque) pourpre que samedi, le thème de la liberté religieuse a occupé une large place.

Un thème d'une brûlante actualité après le massacre de 44 fidèles et de deux prêtres, commis en pleine messe le 31 octobre dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad par un commando d'Al-Qaïda qui a décrété les chrétiens «cibles légitimes».

La condamnation à mort pour «blasphème» d'une chrétienne pakistanaise, Asia Bibi, suscite de même l'inquiétude du pape qui, de façon inhabituelle, a réclamé cette semaine sa libération pure et simple.

Mais vendredi Benoît XVI s'est plutôt attaché à dénoncer une nouvelle fois la laïcisation accélérée des sociétés occidentales qui risque de «détruire la liberté religieuse en se proposant comme une vraie ''dictature''». Et le numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, s'est même inquiété d'une montée de la «christianophobie» dans le monde, selon l'un des participants.

Les «princes de l'Église», qui ont déjeuné avec le pape, ont abordé d'autres thèmes, comme la conversion des anglicans au catholicisme.

Samedi, au cours d'un consistoire, le pape consacrera 24 nouveaux cardinaux, dont 20 électeurs au sein du collège appelé à désigner un jour son successeur.