Le président Dmitri Medvedev a décoré lundi au Kremlin les espions russes expulsés en juillet des États-Unis dans un épisode digne de la guerre froide, marquant de manière démonstrative l'ambition du pays de tenir son rang malgré cet échec retentissant de ses services secrets.

«Une cérémonie a eu lieu aujourd'hui au Kremlin pour remettre à des membres du SVR (Service de renseignement extérieur) les plus hautes décorations du pays, y compris aux agents du renseignement ayant travaillé aux États-Unis jusqu'à leur retour en Russie en juillet», a indiqué la porte-parole de la présidence russe, Natalia Timakova.

Si elle n'a pas précisé l'identité des agents, il s'agit d'une allusion claire au réseau d'espions russes démantelé cet été aux États-Unis. La porte-parole n'a cependant pas indiqué quelle décoration leur avait été remise.

Ces dix agents avaient été expulsés vers Moscou contre la libération de quatre prisonniers russes accusés d'espionnage au profit des Occidentaux.

Ce parfum de guerre froide avait été encore renforcé par le choix, pour l'échange de prisonniers, de Vienne, déjà capitale du renseignement du temps de la rivalité américano-soviétique.

Ce dossier diplomatique épineux avait fait la Une des médias mondiaux qui s'inquiétaient pour l'avenir de la relance des relations russo-américaines initiée par les présidents Medvedev et Barack Obama.

La presse populaire s'était pour sa part concentrée sur les frasques privées de l'une des agents du SVR, la flamboyante Anna Chapman, une Russe ayant obtenu la nationalité britannique par mariage et dont les photos dénudées avaient été largement diffusées par son ex-mari.

Des commentateurs en Russie avaient de leur côté vu dans cette affaire le déclin des services de renseignement du pays, ces espions n'ayant collecté aucune information de valeur, selon les enquêteurs américains et les experts en Russie.

Les journaux russes avaient notamment moqué le manque de discrétion de ces espions, dont certains se fréquentaient. D'autres parlent anglais avec un accent russe et utilisaient des moyens de communication archaïques comme le code Morse et l'encre invisible.

Malgré ces éléments embarrassants déplorés en Russie par des vétérans du KGB, le Premier ministre, Vladimir Poutine - lui-même issu du renseignement soviétique - avait rendu un hommage appuyé aux dix agents.

Fin juillet, quelques semaines après «l'échange d'espions», l'homme fort du pays avait annoncé avoir reçu en privé ces espions et chanté avec eux un chant patriotique.

«Imaginez-vous, d'abord il faut posséder une langue comme votre langue maternelle. Penser et parler dans cette langue, accomplir des missions pour les intérêts de la patrie pendant de nombreuses années, ne pas compter sur une couverture diplomatique, mettre en danger ses proches et soi-même», avait alors souligné M. Poutine, ne voyant pas leur arrestation comme un échec.

Des dix agents, seule Anna Chapman apparaît régulièrement en public. Elle communique beaucoup par Facebook et a posé pour des photos publiées par la suite par un magazine russe.

La belle rousse a été vue récemment au cosmodrome russe de Baïkonour, un site stratégique inaccessible sans l'aval des services spéciaux, pour assister au décollage d'une fusée transportant deux Russes et un Américain vers la Station spatiale internationale (ISS).