L'Assemblée nationale française a adopté mercredi par 329 voix contre 233 la réforme très contestée des retraites, projet majeur de la fin du mandat du président Nicolas Sarkozy, avant une nouvelle journée de grèves et de manifestations la semaine prochaine.

Le vote n'a donné lieu à aucun suspense, la droite disposant d'une nette majorité, mais syndicats et partis de gauche assurent que la «bataille n'est pas perdue» et promettent d'accroître la mobilisation populaire.

Il a été précédé d'une séance parlementaire marathon, qui a débuté en milieu d'après-midi mardi pour ne s'achever que mercredi matin, les députés de gauche tentant de repousser l'heure du vote.

La tension était vive, en particulier entre les députés socialistes et le ministre du Travail Eric Woerth, chargé de défendre le projet du gouvernement qui, s'il a fait quelques concessions sur les emplois pénibles et les carrières longues, continue à exclure toute modification du volet clef de son texte, le relèvement de 60 à 62 ans de l'âge de la retraite.

«Les jeux ne sont pas faits», a prévenu mardi la patronne du Parti socialiste Martine Aubry, tandis que les députés socialistes se sont symboliquement présentés mercredi dans l'hémicycle ceints de leur écharpe tricolore d'élus de la nation.

Conforté par deux sondages marquant une progression du nombre des Français hostiles au recul de l'âge de la retraite, le dirigeant de la CGT, premier syndicat français, Bernard Thibault, a affirmé qu'«il n'est pas illusoire de viser la victoire».

Les syndicats, qui dénoncent une réforme injuste, comptent sur la rue pour faire reculer le gouvernement. Ils avaient réussi leur pari de mobiliser massivement les salariés le 7 septembre, avec plus d'un million de personnes dans les rues selon la police (jusqu'à 2,7 millions selon la CGT).

Environ 6.500 manifestants, selon la police, étaient d'ailleurs rassemblés mercredi face à l'Assemblée nationale, pour exhorter les députés à ne pas voter la réforme.

Après son adoption par l'Assemblée, le projet de loi sera débattu au Sénat à partir du 5 octobre. D'ici là, les syndicats ont appelé à une nouvelle journée de grèves et manifestations le 23 septembre.

Il reste encore «un petit peu de marge» au Sénat pour amender le projet de loi, a promis mercredi Nicolas Sarkozy aux sénateurs UMP qu'il recevait à déjeuner.

La mesure phare de cette réforme, qui est aussi la plus impopulaire, voit le relèvement de 60 à 62 ans, à l'horizon 2018, de l'âge minimal de départ en retraite. Le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici à 2030.

Malmené depuis des mois dans les sondages et fragilisé par des scandales, Nicolas Sarkozy compte sur cette réforme emblématique pour reprendre la main sur l'agenda politique avant la présidentielle de 2012.

Mais la réforme est défendue par un ministre affaibli. Eric Woerth est mis en cause dans le scandale lié à l'héritière des cosmétiques L'Oréal, la milliardaire Liliane Bettencourt, une affaire complexe qui comporte de multiples volets, notamment des suspicions de conflit d'intérêts, de financement politique illégal et de trafic d'influence.

Dans son intervention à l'Assemblée, le chef de file des députés PS Jean-Marc Ayrault, a d'ailleurs dressé le réquisitoire «d'une crise morale et politique dont M. Woerth est devenu le symbole».

Dans un nouveau rebondissement dans cette affaire, le quotidien Le Monde a accusé lundi M. Sarkozy d'avoir violé les lois sur la protection des sources des journalistes en sollicitant le contre-espionnage pour identifier l'informateur d'un reporter du journal.