«La Love Parade a tourné à la danse macabre»: une semaine après un mouvement de foule qui a tué 21 personnes, Duisbourg pleurait ses morts samedi et la colère gronde dans cette ville du nord-ouest de l'Allemagne.

La chancelière Angela Merkel a interrompu ses vacances et assistait à un service religieux oecuménique en présence notamment du président fédéral, Christian Wulff, et de 600 autres personnes, dont plusieurs proches de victimes.

«La Love Parade a tourné à la danse macabre», a déclaré le pasteur Nikolaus Schneider, lors de ce service au cours duquel 21 bougies ont été allumées en mémoire des victimes d'un drame qui a en outre fait plus de 500 blessés. «Nos pensées et nos sentiments sont emplis d'images d'horreur».

Réunis devant des écrans installés dans une vingtaine d'églises, sur des places et au stade municipal, les habitants ont pu suivre la cérémonie.

«Aujourd'hui, tout est calme dans la ville. Il n'y a plus aucun bruit», notait Reiner, venu «montrer (sa) solidarité» au stade de la ville.

Des familles et des groupes de jeunes ont pris place dans les tribunes clairsemées. La police avait prévu jusqu'à 30 000 personnes, elles ne sont que 2 600. Beaucoup sont habillés en noir et fixent les larmes aux yeux l'immense croix couchée au centre du terrain.

Certains, comme Markus Lachenicht, ont personnellement vécu la bousculade.

«Je n'oublierai jamais, (mais) je voudrais que cette cérémonie m'aide à tirer un trait», explique-t-il. «J'étais sauveteur à la Love Parade, et j'ai tout vécu. J'ai aussi un ami blessé» dans le mouvement de foule.

«Les images de panique sont restées dans nos têtes», ajoute Phil Napeirala, 21 ans, qui a assisté à la bousculade d'un point surplombant le tunnel meurtrier.

Environ 200 personnes se sont ensuite rassemblées dans le centre-ville, pour une marche silencieuse jusqu'au tunnel, où un lâcher de ballons blancs était prévu.

Si les manifestants ont «mis aujourd'hui la colère de côté pour se recueillir», comme l'explique Petra Weber, 47 ans, la ville continue de gronder contre son maire conservateur (CDU) Adolf Sauerland.

Accusé d'avoir privilégié l'appât du gain sur les règles élémentaires de sécurité, il refuse de démissionner mais n'a pas assisté à la cérémonie.

Autorités et organisateurs se rejettent la responsabilité après que 21 personnes, dont sept étrangers, sont mortes étouffées aux abords d'un tunnel, unique accès au terrain d'une ancienne gare de fret qui hébergeait la Love parade.

«Le maire voulait absolument cette Love Parade pour l'image de sa ville malgré les doutes sur la sécurité. Qu'il parte !», lance Ulrike Huesken, qui fait signer une pétition en ce sens devant le stade.

L'édile s'était battu pour accueillir la manifestation, prisée par des centaines de milliers de jeunes amateurs de musique techno. Une façon de donner un coup de jeune à une ville sinistrée par la désindustrialisation, à des lieues de l'image jeune et dynamique de Berlin ou de Cologne, à 70 kilomètres au sud.

Duisbourg, qui revendique toujours le titre de premier site sidérurgique d'Europe, est frappée par un taux de chômage de 13%, près du double de la moyenne nationale.

Ces dernières années, la région de la Ruhr, choisie en 2010 comme capitale européenne de la culture, parie sur l'art et les technologies pour remonter la pente. Mais les 21 morts de samedi risquent de ruiner ces efforts.

«Tout va redevenir peu à peu à la normale. Mais l'image de Duisbourg est fichue», résume Sabine Beuscher, venue avec son mari assister à la cérémonie.