L'ex-patron du pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, a entamé mardi une grève de la faim pour protester contre son maintien en détention préventive et en a appelé au président russe, Dmitri Medvedev, initiateur d'une loi limitant cette forme d'incarcération.

M. Khodorkovski, qui comparaît depuis 2009 pour détournement et revente illégale de pétrole, a publié une lettre ouverte au président de la Cour suprême, Viatcheslav Lebedev, dans laquelle il annonce sa décision de ne plus s'alimenter.

«J'entame une grève de la faim jusqu'à ce que j'obtienne confirmation que Dmitri Medvedev a reçu de vous ou d'un autre responsable compétent toute l'information relative à la violation» des récents amendements législatifs sur la détention préventive, écrit celui qui fut l'homme le plus riche de Russie.

Il juge «essentiel» que M. Medvedev soit informé de la manière dont cette législation est «sabotée par des fonctionnaires».

Les amendements législatifs entrés en vigueur en avril prévoient qu'une personne soupçonnée de certains délits économiques, notamment ceux pour lesquels M. Khodorkovski est poursuivi, ne peut être placée en détention provisoire.

Le chef de l'État avait initié cette réforme pour lutter contre l'incarcération abusive d'hommes d'affaires, les forces de l'ordre usant de cette mesure pour arracher des pots-de-vin, selon des avocats et des organisations anticorruption.

Le président de la Cour suprême a promis de se pencher sur la lettre du prisonnier le plus célèbre de Russie et d'y apporter un réponse. «Je dois d'abord me familiariser avec les événements (...) Ensuite, ma position et ma décision vous seront transmises», a déclaré M. Lebedev à l'agence Interfax.

M. Khodorkovski reconnaît cependant qu'il restera en prison quoiqu'il arrive, puisqu'il est encore sous le coup de sa condamnation en 2005 à huit ans de prison pour escroquerie et évasion fiscale.

«La raison qui a poussé Mikhaïl Khodorkovski à entamer une grève de la faim est que la loi, issue de la volonté du président et visant à mettre à terme à la répression contre le monde des affaires n'est pas appliquée», a relevé son avocat, Vadim Kliouvgant, à l'antenne de la radio Echo de Moscou.

«Si c'est ainsi pour la plus célèbre des affaires, c'est effrayant car cela crée un précédent qui sera généralisé», a-t-il ajouté.

L'ex-patron de Ioukos a aussi demandé dans sa lettre si M. Medvedev se satisfaisait du fait que les fonctionnaires et la justice russes appliquent la loi «selon leur bon vouloir».

Si tel est le cas,»je me résignerai à ma situation», note M. Khodorkovski, dont c'est, selon le journal Kommersant, la quatrième grève de la faim depuis 2005.

L'ex-patron de Ioukos et son associé Platon Lebedev risquent plus de 20 ans de prison lors du procès actuellement en cours. Leurs partisans considèrent que le pouvoir cherche à éloigner de la scène politique Mikhaïl Khodorkovski, 46 ans, un féroce opposant au premier ministre Vladimir Poutine.

Le directeur de l'ONG Pour les droits de l'homme, Lev Ponomarev, a jugé justifiée la revendication de M. Khodorkovski, tout en s'inquiétant pour sa santé: «Je ne sais pas jusqu'où il est prêt à aller, mais faire la grève de la faim en prison n'est pas simple», a-t-il relevé, cité par Interfax.

Le représentant du Kremlin pour les droits de l'homme, Vladimir Loukine, a lui promis que la santé du prévenu ferait l'objet d'un suivi sérieux.

L'annonce de M. Khodorkovski est intervenue au lendemain de la fin de son interrogatoire par le procureur lors de son procès.