Berlin a vertement critiqué lundi le rôle de l'Église catholique dans les scandales d'abus sexuels dont la liste ne cesse de s'allonger en Allemagne, concernant notamment la chorale des petits chanteurs de Ratisbonne que dirigeait le frère du pape allemand Benoît XVI.

La ministre de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, a reproché au Vatican d'avoir entravé les enquêtes sur les abus sexuels dans des établissements scolaires catholiques, où régnait, a-t-elle dit, «un mur de silence».

En vertu d'une directive de l'Église datant de 2001, «des abus aussi graves sont soumis à la confidentialité du pape et ne doivent pas être divulgués à l'extérieur de l'Eglise», a déploré la ministre.

Cette lettre aux évêques, qui déterminait les «délits les plus graves» dont le Vatican doit être informé, émanait du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et qui devait devenir Benoît XVI.

Mme Leutheusser-Schnarrenberger y voit un signe que l'Église, en cas de soupçons d'abus sexuels, examine d'abord l'affaire en interne, sans saisir la justice, et qu'elle suggère aux coupables présumés de se dénoncer.

Faux, a rétorqué l'évêque de Trêves Stephan Ackermann, chargé par la conférence épiscopale de faire la lumière dans ce scandale qui secoue l'Allemagne depuis fin janvier. Il fait valoir que dans «la pratique», l'Église réclame des enquêtes du parquet.

Devant les dernières révélations de pédophilie, la ministre a réitéré son invitation à une «table ronde» avec des représentants de l'Église pour discuter notamment de «certains dédommagements» à accorder aux victimes.

La conférence épiscopale allemande a rejeté à plusieurs reprises cette proposition, au motif que les abus sexuels sur mineurs n'étaient «pas un problème spécifique à l'Église catholique».

Le ministère de la Famille prévoit une table ronde le 23 avril avec les représentants du secteur éducatif et des Églises catholique et protestante.

De son côté, la catholique ministre de l'Éducation Annette Schavan, «en colère» devant l'ampleur du scandale, devait rencontrer lundi des représentants de l'Éducation pour évoquer des mesures de prévention.

«Nous devons mener une discussion juridico-politique ambitieuse», a affirmé lundi le porte-parole de la chancelière, Ulrich Wilhelm, en référence au débat sur la prolongation des délais de prescription dans les affaires d'abus sexuels sur mineurs.

Dans la plupart des cas dévoilés ces dernières semaines, les faits sont prescrits et nombre des auteurs présumés sont décédés.

Mais lundi, l'évêché d'Augsburg, en Bavière, a annoncé avoir averti le parquet d'une affaire datant de 1999 «en raison de nouveaux indices».

Toujours dans la très catholique Bavière, l'évêché de Ratisbonne a reconnu vendredi deux anciens cas d'abus sexuels avérés et plusieurs soupçonnés dans l'institution millénaire des «petits chanteurs de Ratisbonne», où le frère du pape, Georg Ratzinger, était maître de chapelle de 1964 à 1993. Celui-ci affirme n'avoir jamais été au courant.

Le même jour, un rapport révélait qu'une centaine d'enfants avaient été «massivement victimes de sévices» infligés pendant des décennies par une dizaine de prêtres dans l'établissement bénédictin d'Ettal, dépendant de l'évêché de Munich.

Josef Ratzinger «était archevêque de Munich et Freising de 1977 à 1982. La question est de savoir s'il était au courant à l'époque et comment il a réagi et s'il a agi», a déclaré à l'AFP Christian Weisner, du mouvement de catholiques contestataires «Nous sommes l'Eglise».

Le président de la conférence épiscopale, Robert Zollitsch, doit rencontrer le pape le 12 mars au Vatican.