L'ombre de Pie XII et son attitude face à la Shoah ont plané sur la visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome, où le pape a défendu l'attitude de l'Église durant la guerre et insisté sur le «dialogue» et «le patrimoine spirituel commun» entre les deux religions.

La visite a été jugée «résolument positive» par le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni, puissance invitante. Il s'est félicité que le pape ait affirmé qu'on «ne revenait pas en arrière» sur le concile Vatican II, qui a notamment ouvert la voie au dialogue judéo-catholique.

Cette visite, la première depuis celle historique de Jean Paul II en 1986, avait suscité la polémique au sein de la communauté juive, en raison de la décision récente de Benoît XVI de faire avancer le processus de béatification de Pie XII.

Celui-ci est accusé d'avoir gardé le silence pendant la Shoah, alors que plus d'un millier de juifs de Rome étaient déportés, raflés dans le ghetto situé à quelques encablures du Vatican, de l'autre côté du Tibre.

Sans le citer nommément, Benoît XVI, qui effectuait sa troisième visite dans une synagogue après celles de Cologne et New-York, a pris sa défense. Durant la Shoah, «le Siège apostolique (le Vatican) a mené une action de secours, souvent cachée et discrète», a-t-il affirmé, devant un public visiblement sceptique.

Une défense «très mesurée», a jugé le président de la communauté juive de Rome, Riccardo Pacifici. Il y a vu le signe que le pape «est en train de comprendre» la position des juifs sur le pape de la Seconde guerre mondiale.

L'Église catholique a toujours affirmé que Pie XII avait contribué à aider les juifs cachés dans des institutions religieuses, et avait gardé le silence pour les protéger.

M. Pacifici, qui a rappelé avec émotion la déportation et la mort de ses grands parents à Auschwitz, a réclamé solennellement au pape l'ouverture des archives du Vatican.

«En attente d'un jugement partagé, nous souhaitons, avec le plus grand respect, que les historiens aient accès aux archives du Vatican sur cette période et tous les événements liés à l'effondrement de l'Allemagne nazie», a-t-il dit.

Pour lui, le silence de Pie XII est encore «douloureux». «Peut-être qu'il n'aurait pas arrêté les trains de la mort, mais il aurait transmis un signal, une parole d'extrême réconfort, de solidarité humaine pour nos frères emportés vers Auschwitz».

Dans un autre moment de grande densité, il a rendu hommage à quelques survivants d'Auschwitz présents dans la salle. Ceux-ci avaient les larmes aux yeux quand le pape s'est levé pour les applaudir.

Au cours de son discours ponctué de mots en hébreu, Benoît XVI, théologien éminent, a insisté sur «le patrimoine spirituel commun» entre juifs et catholiques, qui «prient le même Seigneur, ont les mêmes racines, mais restent souvent inconnus l'un à l'autre».

À plusieurs reprises, il a évoqué «la proximité, la fraternité spirituelle» entre les religions citant en premier lieu «la valeur suprême de la vie».

Le rabbin Di Segni a demandé que soit étudié «ce qui sépare encore de la reprise d'un rapport fraternel authentique» et «ce que nous devons faire pour y arriver». Il a proposé que les deux religions s'attachent ensemble à la sauvegarde de «toute la création», qui passe par «le caractère sacré de la vie, la dignité de l'homme, sa liberté, son exigence de justice et d'éthique».

Plusieurs personnalités venues d'Israël, catholiques et juives, le président de l'Assemblée nationale italienne et le maire de Rome assistaient à cette visite, qui a débuté par une minute de silence en hommage aux victimes du séisme à Haïti.