Le président russe Dmitri Medvedev n'a pas exclu mardi d'être candidat à sa succession en 2012, alors que nombre d'analystes parient sur le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, son puissant premier ministre.

«Voici encore peu, je n'envisageais pas d'être président», a concédé M. Medvedev, un juriste qui a fait carrière dans l'ombre de M. Poutine, de Saint-Pétersbourg au Kremlin, avant d'être élu président avec la bénédiction de son mentor. «Mais tel est le destin. C'est pourquoi je n'anticipe rien pour moi-même mais n'exclus rien non plus», a-t-il lâché devant le groupe de Valdaï, qui réunit des experts étrangers sur la Russie.

Enchaînant les commentaires parfois énigmatiques, le chef de l'État a noté que M. Poutine avait une cote de popularité «plus élevée» mais que la sienne n'était «pas mal non plus».

Vendredi, Vladimir Poutine, considéré comme l'homme fort du pays, avait rouvert le bal des conjectures en déclarant qu'il n'y aurait pas de concurrence entre le président sortant et lui en 2012.

«En 2008, y a-t-il eu une concurrence ? (...) En 2012, il n'y aura pas de concurrence non plus. Selon la réalité du moment, nous ferons une analyse et nous prendrons une décision», a-t-il lancé, dans une belle démonstration de force, devant le groupe de Valdaï.

En affichant une telle liberté de ton, totalement inédite pour un premier ministre en Russie, M. Poutine a aussitôt donné l'impression qu'il gardait en tête la possibilité de revenir.

S'il n'a pu être candidat en 2008 après deux mandats présidentiels successifs (2000-2008), la Constitution ne lui interdit pas de se représenter à la prochaine élection.

Depuis un an, nombre de signes donnent à penser qu'il prépare son retour au Kremlin ou du moins s'en donne les moyens, entretenant une nouvelle fois le suspense sur ses intentions, comme en 2007.

Dès novembre 2008, le Parlement a voté l'allongement de la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans. Nombre d'experts ont alors estimé qu'il s'agissait d'une réforme sur mesure destinée à lui permettre de revenir pour 12 ans au Kremlin.

Vladimir Poutine soigne aussi son image, enchaînant les séquences viriles, toujours appréciées dans l'opinion - un jour affublé d'un chapeau de brousse et d'un treillis en Sibérie, un autre en combinaison de plongée au fond du lac Baïkal - et affichant volontiers son autorité, devant les caméras.

Pour nombre d'analystes, le suspense est d'ailleurs déjà levé.

«Poutine a donné une réponse claire vendredi à la question de la présidence en 2O12: ce sera lui, le plus probablement», considère Olga Krychtanovskaïa, experte des élites à l'Institut de Sociologie. «Ses hommes occupent d'ailleurs toujours tous les postes clés», note-t-elle au passage.

En «n'excluant» rien, le président ne prend pas non plus d'engagement concret. En 2007, le premier ministre sorti du chapeau par M. Poutine, Viktor Zoubkov, avait eu recours à la même formule, avant de s'effacer... au profit de M. Medvedev, conformément à un scénario soigneusement écrit.

«Poutine a laissé comprendre, à sa manière sarcastique habituelle, que ce serait lui le prochain candidat. Et Medvedev a laissé entendre qu'il ne lui ferait pas concurrence», avance Evguéni Volk, analyste à la Fondation américaine Heritage.

Tous deux prennent en tout cas soin de montrer que le tandem fonctionne. «Nous nous mettrons d'accord parce que nous sommes du même sang et sur la même longueur d'onde», a déclaré vendredi M. Poutine.

Au groupe de Valdaï qui lui demandait ce qu'il en était, M. Medvedev a répondu, tout sourire : «Il faut faire une prise de sang. Je ne connais même pas le groupe sanguin de Poutine mais en ce qui concerne les points de vue, la réponse est oui».