L'extradition de l'homme d'affaires allemand Karlheinz Schreiber réjouit son ancien collaborateur suisse, Giorgio Pelossi, qui savoure l'idée de témoigner contre lui devant les tribunaux.

«J'attendais ce jour depuis longtemps. J'étais certain qu'il finirait par être extradé. Je n'ai jamais eu de doutes à ce sujet», a confié lundi M. Pelossi, joint à Lugano, en Suisse.

Ce comptable de formation, qui avait mis les autorités allemandes aux trousses de M. Schreiber au milieu des années 90 à la suite d'un différend financier, était déjà «très au courant» de son renvoi en Allemagne lorsque La Presse l'a joint en matinée.

«La nouvelle est partout sur l'internet et dans les médias», a souligné M. Pelossi. Quant au fait que M. Schreiber se plaint aujourd'hui de problèmes de santé, il a déclaré: «S'il avait pris ses responsabilités il y a 10 ans en acceptant de collaborer avec les autorités, il aurait pu reprendre une vie normale après quelques années de prison. Il a plutôt choisi de prendre la fuite et de vivre constamment dans la peur de l'extradition. Tout est sa faute.»

M. Pelossi a agi pendant plusieurs années à titre de gestionnaire pour l'homme d'affaires. Il soutient avoir fait transiter vers un compte central contrôlé par M. Schreiber plusieurs millions de dollars versés dans les années 80 par diverses compagnies allemandes pour faciliter l'obtention d'importants contrats à l'étranger.

Les procureurs allemands qui ont demandé l'extradition de M. Schreiber affirment qu'Airbus a versé plus de 20 millions de dollars à une compagnie qu'il contrôlait pour faciliter l'obtention de contrats au Canada et en Thaïlande.

Dans une entrevue accordée à La Presse en 2007 à leurs bureaux d'Augsbourg, près de Munich, ils ont affirmé que «plusieurs personnes» dans les deux pays avaient reçu des commissions illicites. Ils avaient toutefois refusé de nommer ces personnes parce qu'elles ne faisaient l'objet d'aucune poursuite.

En Allemagne, Max Strauss, fils de l'homme politique bavarois Franz Josef Strauss, a été poursuivi parce qu'il a reçu, sans le déclarer, des sommes d'argent de M. Schreiber relativement à des ventes d'avions réalisées en Thaïlande.

La question des commissions risque de devenir rapidement une source de maux de tête pour M. Schreiber, qui doit répondre à des accusations d'évasion fiscale devant les tribunaux.

À l'époque des faits, une firme allemande pouvait légalement faire verser des commissions à des responsables étrangers pour faciliter l'obtention de contrats. Ces sommes étaient même déductibles fiscalement si elles s'avéraient efficaces.

Les avocats de M. Schreiber ont déjà évoqué la possibilité que leur client démontre en cour que l'argent a bel et bien été versé en commissions pour se soustraire au fisc. Mais il pourrait être obligé pour ce faire de nommer les bénéficiaires de ses largesses.

Les deux avocats allemands qui représentaient M. Schreiber par le passé n'ont pas rappelé La Presse.

Giorgio Pelossi ne croit pas que l'homme d'affaires ait d'autres révélations à faire relativement à ses activités en sol canadien: «Avec lui on ne sait jamais, mais je pense que s'il avait quelque chose de plus à dire, il l'aurait dit depuis longtemps.»

Les questions d'évasion fiscale ne sont pas le seul souci de M. Schreiber, qui a été transféré lundi à la prison d'Augsbourg en vue de son procès. Il devra aussi répondre à des accusations de fraude et de corruption dans l'affaire du financement occulte du CDU, la formation d'Angela Merkel.

L'homme d'affaires allemand a précipité la crise à la fin des années 90 en reconnaissant avoir versé une somme de 1 million de deutschmarks au trésorier du parti lors d'une rencontre dans un stationnement en Suisse.

L'affaire a entraîné la disgrâce de l'ex-chancelier Helmut Kohl et permis l'ascension rapide de Mme Merkel.

Les actions passées de M. Schreiber constituent une source potentielle d'embarras pour la formation à quelques mois d'une élection générale et expliquent pourquoi les médias allemands ont fait grand cas de son retour, lundi.