Cécile Brossard a été condamnée jeudi à huit ans et demi de prison pour le meurtre du banquier français Edouard Stern en février 2005. La cour d'assises de Genève a considéré que la faute de l'accusée était extrêmement lourde, mais elle n'a pas suivi le procureur, qui avait requis une peine de 11 ans. La défense ne contestera pas le jugement.

Compte tenu des quatre ans de détention préventive déjà purgés, l'accusée peut espérer sortir de prison d'ici fin 2010. Dans quelques mois, elle pourra en outre bénéficier du régime de semi-liberté.La Française est semble-t-il satisfaite du jugement. «Pour elle, l'essentiel était que l'on reconnaisse qu'elle n'a pas commis un meurtre pour l'argent», a dit son avocat Me Pascal Maurer.

La satisfaction était également de mise du côté des parties civiles: «c'est un verdict clair qui fait une part juste à la gravité du crime et une part équitable à cette femme malmenée par la vie», a déclaré Me Marc Bonnant, avocat des enfants Stern. Surtout, le jugement a montré qu'Edouard Stern n'était pas responsable de sa mort.

Dans son jugement, la Cour a souligné la gravité de la faute de l'accusée, qui a contrevenu à l'interdit le plus fondamental, celui d'ôter la vie à un être humain. Elle a abattu de quatre balles un homme dans la force de l'âge, causant une peine irréparable à ses proches, en particulier à ses trois enfants, dont le plus jeune était encore mineur.

Le tribunal a aussi insisté sur le caractère «particulièrement lâche» du crime perpétré contre une victime désarmée et qui ne pouvait envisager un tel geste. Cécile Brossard a tiré sa première balle dans le visage du banquier, avant de tirer encore les trois autres coups de feu. Son mobile était égoïste: il ne tenait sans doute pas à la cupidité mais à la peur de perdre l'être aimé.

Le profond désarroi de la jeune femme au moment des faits, sa responsabilité légèrement restreinte, ses regrets profonds et sa conscience d'avoir fait souffrir la famille de sa victime ont pesé dans la balance. La Cour a aussi tenu compte de son enfance difficile, de sa liaison tumultueuse avec Stern, qui s'est montré humiliant, harcelant et cruel.

Le risque de récidive est quasi nul, a relevé la Cour, qui a vivement recommandé à l'accusée de poursuivre son traitement psychiatrique. Le tribunal a par ailleurs alloué une somme symbolique d'un franc suisse à titre d'indemnité pour tort moral à la famille de la victime. Il a aussi ordonné la confiscation et la destruction de la fameuse combinaison de latex, des accessoires sexuels ainsi que des photos prises par l'accusée.

Dans la matinée, le ministère public avait requis une peine de 11 ans de réclusion. Le procureur général Daniel Zappelli n'avait pas mâché ses mots. Selon lui, Cécile Brossard a usé de manière «lâche» d'une arme à feu, profitant de l'état de soumission du banquier. Le procureur a fustigé son comportement «ignoble»: elle connaissait l'attachement des enfants d'Edouard Stern à leur père.

Autre circonstance aggravante aux yeux du magistrat: Cécile Brossard a tué une deuxième fois Edouard Stern en ne se souciant pas des détails entourant la découverte du corps. L'accusée aurait dû lui retirer sa combinaison de latex et son harnachement sado-masochiste, a estimé le magistrat. Ces détails sordides sont à jamais gravés dans le marbre pour les enfants, la mère et la demi-soeur de la victime.

De son côté, la défense a appelé la Cour à faire preuve de clémence. «Il faut mettre un terme à sa détention qui ne sert plus à rien. Il faut que Cécile se soigne. C'est en liberté, le plus vite possible, qu'elle doit se reconstruire», a plaidé Me Pascal Maurer. «Elle doit sortir de l'enfermement qui chaque jour la détruit un peu plus», a ajouté Me Alec Reymond. Rongée par une grande culpabilité, elle est une épave sur le plan psychologique. En quatre ans de détention préventive, elle a séjourné 11 fois en hôpital psychiatrique et fait une tentative de suicide.

A l'issue des plaidoiries, Cécile Brossard, en larmes, a repris une dernière fois la parole pour redire son amour. Elle a remercié le procureur et la Cour d'avoir reconnu à quel point elle aimait le banquier et l'aimerait toujours: «Pendant un an et demi, je suis restée dans le noir pour rester avec Edouard.»

«J'ai toujours protégé sa mémoire. Aucun mot ne peut exprimer l'étendue de ma souffrance ni celle de Béatrice Stern et des trois enfants. J'ai prié tous les jours pour que son âme aille au paradis. Je m'en remets à vous», a conclu la meurtrière.