Le gouvernement français souhaite contraindre l'industrie du tabac à ajouter des photos dissuasives de dents jaunies ou de poumons cancéreux sur les paquets de cigarettes pour inciter les fumeurs à écraser.

La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a fait savoir au début de la semaine qu'un décret en ce sens est en cours de rédaction.

«L'apposition de telles images a fait ses preuves dans un certain nombre de pays qui les ont adoptées», a-t-elle indiqué.

 

Au total, près d'une vingtaine d'États, dont le Canada, ont expérimenté cette approche, mal accueillie par les fumeurs que La Presse a interrogés à Paris.

«C'est bête. Si les gens ont décidé de fumer, ils ont leurs raisons. Ce n'est pas parce qu'ils voient des photos dégoûtantes que ça va changer», souligne Tatiana, cigarette à la main, lycéenne de 15 ans croisée près de la place de la République.

«Ultimement, c'est notre responsabilité, pas celle du gouvernement», a ajouté la jeune fille, qui fume depuis «trois ou quatre mois».

»Ça ne va rien changer»

Même scepticisme au Tabac du Temple, à quelques mètres de là, où Djamilla Amani était posté devant un étalage de paquets colorés.

«On n'a pas eu de confirmation pour les photos encore. Mais, quoi qu'il advienne, ça ne va rien changer du tout... Les fumeurs, c'est comme ceux qui font des excès de vitesse, il va toujours y en avoir», indique le commerçant, qui doute de l'effet des mises en garde déjà sur les paquets.

«Certains de mes clients me demandent expressément les paquets où il est écrit «Fumer tue». Ils me disent que c'est encore meilleur quand ils ont le message sous les yeux. Ils sont bizarres, les gens», souligne M. Amani en tendant un paquet à une jeune cliente accompagnée d'un bébé.

La Confédération des buralistes, qui regroupe les commerçants autorisés à vendre des cigarettes, fait campagne contre les images dissuasives.

«Tout le monde sait que fumer n'est pas bon. Arrêtons de prendre les adultes pour des imbéciles», répète son président, Pascal Montredon, qui s'inquiète de l'incidence de cette nouvelle mesure sur les ventes.

Augmenter les taxes?

Les associations contre le tabagisme sont convaincues de leur côté de l'effet dissuasif des photos et encouragent le gouvernement à procéder dans les plus brefs délais.

«Quand on demande aux fumeurs si les messages écrits leur donnent envie de diminuer leur consommation ou d'arrêter de fumer, il ressort très clairement qu'il y a un effet. Avec les images, l'effet est encore plus fort», souligne le professeur Gérard Dubois, président d'honneur de l'Alliance contre le tabac.

La meilleure manière de contrer le tabagisme reste cependant d'augmenter les taxes, indique le spécialiste, qui se préoccupe du fait que la consommation globale en France n'a guère diminué depuis quelques années.

De récentes données émanant de l'Union européenne indiquent que 33,4% des Français fument quotidiennement ou de manière occasionnelle, ce qui place le pays parmi les «mauvais élèves» du continent avec la Grèce, la Bulgarie et la Hongrie.

 

TATI SAUVE SA PIPE


Pour lutter contre le tabagisme, la France s'est dotée d'une loi très restrictive sur la publicité. Si restrictive, en fait, que la firme responsable de l'affichage dans les transports en commun parisiens, Metrobus, a censuré en avril une publicité tirée d'une scène de film où l'on voyait le cinéaste Jacques Tati fumant sa traditionnelle pipe. Par crainte de poursuites, l'objet avait été remplacé par un vire-vent. En réaction à la polémique suscitée par cette décision, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité a fait savoir au début de la semaine qu'elle permettrait à l'avenir que des campagnes publicitaires utilisent des produits liés au tabac si elles ont une finalité «artistique ou culturelle» et mettent en scène des personnalités dont l'image est « inséparable « du produit représenté.