L'attaque montée le week-end dernier par cinq jeunes lors d'une cérémonie à Ebensee (centre), dans une annexe de l'ex-camp de concentration de Mauthausen, l'a montré au grand jour: l'Autriche compte une scène néonazie qui «inquiète» ses autorités.

«Nous observons une croissance du succès de la mouvance d'extrême droite, en particulier chez les adolescents depuis 2000», selon Andreas Peham, chercheur au centre de documentation de la résistance autrichienne DÖW, spécialisé sur le nazisme et le néonazisme.

Les statistiques récentes du ministère de l'Intérieur reflètent cette tendance. Les plaintes pour activités liées à l'extrême droite ont quasiment doublé en deux ans dans la petite république alpine: 419 en 2006, 752 en 2007 et 831 en 2008.

Hausse de la répression ou augmentation réelle des actes, le Service de protection de la Constitution et de lutte antiterroriste BVT qualifie désormais la situation d»inquiétante».

Dans son rapport 2008, ce service jugeait encore cette scène «stable» et «relativement faible» en comparaison avec d'autres pays, tout en relevant le travail de propagande mené en direction des jeunes et les liens avec les néonazis allemands.

Ces mouvements ont pu prendre pied dans le pays qui s'est longtemps considéré comme la première victime du nazisme et a commencé tardivement un travail de mémoire.

Avant l'attaque au soft gun avec saluts hitlériens contre d'anciens déportés le 9 mai à Ebensee, l'ex-camp principal de Mauthausen avait déjà été le théâtre de plusieurs actions. En février, une inscription antisémite et islamophobe avait été peinte sur son mur extérieur : «la nichée musulmane est pour nous ce que les Juifs ont été pour nos pères. Soyez sur vos gardes! 3e Guerre mondiale, 8e Croisade». En août 2008, quatre jeunes gens ont été poursuivis pour des activités paramilitaires près de l'annexe d'Ebensee.

Les autorités avaient pourtant endigué dans les années 1990 les actions violentes de ce milieu après des incendies criminels et la série de lettres piégées envoyées par Franz Fuchs, ayant tué quatre Roms et blessé 15 personnes.

Après des interdictions de partis néonazis, des structures plus informelles se sont reformées, notamment grâce à internet.

A la suite de l'affaire d'Ebensee, la ministre de l'Intérieur Maria Fekter a ordonné en toute hâte une enquête pour mieux cerner la mouvance néonazie. Une tâche dont s'occupe pourtant le BVT tout au long de l'année.

Andreas Peham, de son côté, livre une estimation édifiante: «environ 3% des Autrichiens, en majorité des hommes, peuvent être qualifiés de néonazis, 15% d'extrémistes de droite».

Selon lui, le néonazi type vient d'un foyer avec au moins un parent diplômé de l'enseignement supérieur et a lui-même au moins le bac. «Cela ne correspond pas au cliché du néo-nazi idiot et pauvre», relève le chercheur précisant que cette mouvance entretient des liens avec l'organisation de jeunesse du parti d'extrême droite FPÖ, troisième force politique du pays.

«Le FPÖ crée le climat où ces courants peuvent évoluer, et ne se ferme pas sur sa droite», accuse Robert Eiter, du réseau de lutte contre le racisme et l'extrêmisme de droite en Haute-Autriche, un des haut-lieux de cette mouvance avec la province du Vorarlberg (ouest) et les environs de Vienne.

Le FPÖ, et l'autre parti d'extrême droite BZÖ du défunt Jörg Haider, avaient séduit près d'un jeune de moins de 25 ans sur deux lors des législatives en septembre dernier.

Pour contrer le néonazisme et l'extrêmisme, la ministre de l'Education Claudia Schmied veut renforcer l'éducation politique dans les écoles. Preuve qu'il y encore à faire, un groupe de lycéens viennois s'est récemment fait exclure d'une visite du camp d'Auschwitz (Pologne) pour y avoir proféré des propos antisémites.