La France a fait valoir vendredi qu'elle n'avait pas attendu l'appel de Barack Obama pour avoir une «posture active» en matière de désarmement nucléaire, et a laissé poindre son irritation face aux prises de position jugées «déclaratoires» du président américain sur ce sujet.

Officiellement, le vibrant appel du président américain dimanche à Prague en faveur d'un monde sans armes nucléaires a été salué comme «très positif» par Paris, de même que sa volonté de relancer les négociations russo-américaines sur le désarmement.

Mais les responsables français ont également exprimé plus discrètement leur irritation de voir M. Obama s'afficher en pointe dans un domaine où ils jugent que les Etats-Unis sont à la traîne, avec le risque d'éclipser des efforts plus concrets et plus anciens de la France, selon eux.

«Nous avons entendu cette déclaration du président Obama» en faveur d'un monde dénucléarisé, a dit à la presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Eric Chevallier, qui a aussitôt tenu à «rappeler la dynamique engagée et les engagements pris» par la France.

«Nous sommes bien loin d'avoir une posture frileuse, défensive, ou je ne sais quoi. Nous avons avons au contraire une posture active et transparente», a-t-il insisté.

La France est «le premier pays à avoir signé et ratifié l'arrêt des essais, et est le seul Etat doté de la puissance nucléaire officiellement à avoir démantelé ses centres d'essais», a-t-il notamment souligné dans un long exposé.

Une manière de rappeler implicitement le refus du Sénat américain d'entériner le traité d'interdiction complet des essais nucléaires (CTBT). M. Obama s'est toutefois engagé à Prague à essayer d'aller de l'avant sur ce dossier.

M. Chevallier a également rappelé le démantèlement des installations de production de matières fissiles de Pierrelatte et des missiles de la force de dissuasion du plateau d'Albion, dans le sud-est du pays.

Mais il a récusé l'idée d'un «lien» entre les efforts de désarmement de la part des pays possédant légalement l'arme atomique, et ceux visant à empêcher la prolifération de ces armes auprès de puissances qui ne les possèdent pas.

Pour Paris, «le fait qu'il y ait une réduction chez certains possesseurs d'un arsenal nucléaire dans le cadre du droit, ne va pas forcément dissuader un groupe terroriste ou un pays de vouloir accéder à cette arme en dehors du cadre international».

Le discours de M. Obama n'a pas non plus trouvé grâce aux yeux des conseillers diplomatiques du président Nicolas Sarkozy, qui lui ont remis une note critique sur le sujet, selon le quotidien Le Figaro de vendredi.

Selon ces conseillers, «il ne s'agissait pas d'un discours sur la politique de sécurité américaine, mais d'une version export avant tout destinée à améliorer l'image des Etats-Unis», au contenu principalement «déclaratoire».

La France, possède environ 300 armes nucléaires, soit bien moins que les milliers de têtes des Etats-Unis ou de la Russie, mais plus que d'autres puissances déclarées ou présumées (Chine, Grande-Bretagne, Israël, Pakistan).

M. Sarkozy a promis l'an dernier une réduction de l'arsenal nucléaire français, tout en restant engagé en faveur d'une force de dissuasion indépendante fondée sur des sous-marins et des bombardiers stratégiques.

Il avait évoqué pour la France un arsenal «au plus bas niveau possible», en vertu d'un principe de «stricte suffisance».

A Prague, M. Obama a plaidé pour un monde «sans armes nucléaires», tout en reconnaissant l'extrême difficulté de cet objectif.