Des dizaines de milliers de Géorgiens se sont rassemblés jeudi dans le centre de Tbilissi pour réclamer le départ du président Mikheïl Saakachvili, tenu responsable de la défaite militaire contre la Russie en août et de ses conséquences.

Au moins 50 000 personnes étaient déjà réunies à 14H00 (6 h HAE) devant le parlement, dans le centre de la capitale, et des milliers d'autres affluaient vers le lieu de la manifestation.

«Je suis ici pour protester contre les conditions de vie insupportables, la violation des droits de l'homme et pour demander la démission de Saakachvili. C'est la seule solution», a déclaré à l'AFP Kakha Antchavadzé, un avocat de 40 ans. Les leaders de l'opposition ont promis de rassembler au moins 100 000 personnes dans la capitale et de continuer à manifester tant qu'une nouvelle élection présidentielle ne sera pas convoquée.

«Nous allons voir si le président veut écouter son peuple, s'il a tiré une leçon des erreurs du passé», relève Irakli Alassania, ex-ambassadeur de Géorgie à l'ONU et autre figure clé de l'opposition.

Le mécontentement contre le président Mikheïl Saakachvili ne cesse de croître depuis la guerre éclair avec la Russie pour le contrôle de l'Ossétie du Sud, qui a entraîné la reconnaissance par Moscou de cette république ainsi que de l'Abkhazie, autre territoire séparatiste pro-russe de Géorgie.

Ses détracteurs, dont plusieurs anciens alliés, l'accusent également de persécuter des opposants, de museler les médias et ne rien faire contre la pauvreté.

L'opposition est toutefois profondément divisée, ce qui réduit ses chances d'obtenir le départ du président, élu pour un deuxième mandat en janvier 2008 après avoir été porté au pouvoir par la «Révolution de la rose», démocratique et pro-occidentale, fin 2003, dans cette ex-république soviétique.

Une soixantaine de militants de l'opposition ont été interpellés dans la nuit de mercredi à jeudi «à leur domicile» à Roustavi, près de Tbilissi, a déclaré Khatouna Ivanichvili, porte-parole du Mouvement démocratique-Géorgie Unie, parti de l'ancienne présidente du Parlement Nino Bourdjanadzé, passée elle aussi à l'opposition.

Plusieurs membres du même parti ont été arrêtés ces dernières semaines, accusés de recel d'armes et de préparation d'une attaque armée, ce qui alimente les craintes de troubles.

Les violences de novembre 2007, lorsqu'une manifestation anti-Saakachvili avait été dispersée avec des balles de caoutchouc et du gaz lacrymogène et avait conduit le président à décréter l'état d'urgence, restent aussi dans tous les esprits.

Les autorités ont exclu la répétition d'un tel scénario.

«Il n'y aura pas de confrontation directe entre la police et les manifestants. Nous garantissons le maximum de tolérance», a déclaré à l'AFP le ministre de l'Intérieur Vano Merabichvili à la veille des protestations.

Toutes les unités de police à Tbilissi sont en état d'alerte et 3000 policiers mobilisés pour la manifestation, selon le vice-ministre de l'Intérieur Eka Zgouladzé.

«La police ne devrait pas intervenir. Nous sommes surveillés de près à cause de notre passé récent», a renchéri le Premier ministre Nika Guilaouri dans une allusion aux violences de 2007.

Le patriarche orthodoxe géorgien Ilia II, l'une des personnalités les plus respectées en Géorgie, a appelé de son côté «les autorités, l'opposition et l'armée géorgienne à ne pas recourir à la force quelles que soient les circonstances».