Le chef de file de l'extrême droite française Jean-Marie Le Pen est au centre d'une controverse au Parlement européen, où ses détracteurs se mobilisent pour l'empêcher de présider, en tant que doyen, la session inaugurale de l'institution après les élections.

Le règlement interne du Parlement prévoit que le doyen des élus préside la session inaugurale de la nouvelle assemblée. En l'état actuel, c'est à M. Le Pen, 80 ans, que ce rôle a de bonnes chances d'échoir après le scrutin européen du 7 juin.

Du coup, les socialistes et les Verts ont demandé mardi un changement des règles de l'Assemblée pour lui barrer la route.

«Je suis préoccupé par le fait qu'un négationniste de l'Holocauste puisse présider la session inaugurale du Parlement européen» en juillet après les élections européennes de juin, a déclaré le social-démocrate allemand Martin Schulz, président du groupe socialiste.

Il est «inacceptable, inadmissible» qu'un «négationniste pour qui Auschwitz est un détail de l'Histoire», un «vieux fasciste» comme M. Le Pen, puisse le faire, a estimé M. Schulz devant la presse.

Il a reçu le soutien du co-président des Verts, Daniel Cohn-Bendit, qui a précisé que son groupe avait «toujours été pour changer le règlement, parce que le fait que le doyen préside (la session inaugurale) est ringard».

«Nous sommes pour que ce soit la députée la plus jeune qui ouvre la session, non pas à cause de Le Pen, mais parce que c'est un signe pour l'avenir. Allons jusqu'au fond du symbolisme: on ne veut pas des croulants», a martelé l'ancien leader de Mai 1968.

Prendre une telle décision ne sera néanmoins «pas facile», a pronostiqué M. Cohn-Bendit.

Elle n'a par exemple pas l'assentiment du chef du groupe libéral, Graham Watson, qui a estimé qu'il n'y avait «aucune raison de traiter M. Le Pen différemment d'autres, même si je déteste sa politique». S'il devient doyen, «ce sera en ayant respecté les règles» et ce sera «aussitôt oublié», a jugé M. Watson.

Quant à Joseph Daul, chef du principal groupe politique au Parlement, le groupe conservateur, il a assuré qu'il allait «analyser» cette proposition, tout en émettant le souhait que M. Le Pen, en bon nationaliste, ne participe pas à la session inaugurale du Parlement européen qui a été fixée au... 14 juillet, jour de la fête nationale française.

Jean-Marie Le Pen, qui fêtera ses 81 ans le 20 juin prochain, siège depuis 1984 au Parlement européen. Il se représentera encore cette année, en tant que tête de liste du Front national (FN), dans la circonscription du sud-est de la France, et pourrait à ce titre devenir doyen d'âge du Parlement.

Dénonçant les «odieuses calomnies» de ses collègues, le leader frontiste a estimé que le Parlement européen se ferait «la risée des assemblées démocratiques» s'il venait à modifier son règlement dans le seul but de l'empêcher de présider la séance inaugurale.

Quant à la coïncidence avec la fête nationale française, elle «est une raison de plus de faire entendre la voix de la France indépendante et souveraine dans l'hémicycle de l'euromondialisme», a-t-il ajouté dans un communiqué.

En juillet 1989, l'ex-cinéaste français Claude Autant-Lara avait déjà provoqué un scandale au Parlement européen. Elu sur une liste du FN, il avait eu l'occasion de prononcer un discours à l'occasion duquel une grande partie de l'hémicycle s'était vidée, en signe de protestation.

Entre-temps, le règlement intérieur a été modifié et le doyen n'a plus le droit de prononcer un discours: il se contente de superviser l'élection du président du Parlement.