La polémique soulevée par la décision du pape Benoît XVI de réintégrer un évêque négationniste continue d'enfler, avec des critiques de plus en plus virulentes de la part de larges pans de l'Eglise catholique et de l'opinion publique internationale.

«Un pardon au goût de poison», résumait lundi l'éditorialiste du quotidien italien La Stampa, le sociologue spécialiste de l'histoire des religions Franco Garelli, pour qui «jamais un geste de réconciliation n'aura été aussi amer».

«Le trouble provoqué par cette affaire compliquée est évident non seulement en dehors de l'Eglise mais également en son sein», poursuivait le spécialiste, évoquant «le profond malaise suscité par la levée de l'excommunication dans de nombreux milieux catholiques».

Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques intégristes de la fraternité Saint-Pie X dont l'excommunication a été levée par le pape le 24 janvier, a nié l'existence des chambres à gaz dans un entretien diffusé par la télévision suédoise fin janvier.

En Allemagne, où le négationnisme est un délit passible de prison, les réactions ont été extrêmement mordantes, un éminent théologien, Hermann Häring, allant lundi jusqu'à recommander au pape de démissionner.

«Si ce pape veut faire du bien à l'Eglise, il doit quitter ses fonctions. Ce ne serait pas un scandale: un évêque doit remettre son poste à disposition à 75 ans, un cardinal perd tous ses droits à 80 ans. On ne voit pas pourquoi précisément le pape (qui a 81 ans, ndlr) ne pourrait pas se tenir à ces règles sages», a-t-il dit au journal Tageszeitung (gauche).

«Il y a très clairement une perte de confiance» dans le pape, «réhabiliter un négationniste est toujours une mauvaise décision», a dit l'évêque de Hambourg Werner Thissen, dans le Hamburger Abendblatt. L'évêque de Rottenburg-Stuttgart, Gebhard Fürst, a pour sa part fait état «d'incertitude, d'incompréhension et de déception» dans le Bild de lundi.

A Paris, le Grand rabbin de France, Gilles Bernheim, a dénoncé dans une interview au Monde les propos «abjects» de Mgr Williamson. Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel les avait qualifiés dimanche d'«inacceptables, abjects, intolérables».

«Je suis catholique pratiquant. A ce titre-là, je ne suis pas sûr que cette réintégration soit la meilleure chose pour l'Eglise et pour la réconciliation au sein de l'Eglise», a dit M. Chatel.

En Autriche, le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, a critiqué la réintégration de Mgr Williamson, soulignant que «celui qui niait la Shoah ne pouvait être réhabilité au sein de l'Eglise».

A Bruxelles, le quotidien La Libre Belgique parle «d'aveuglement» et de «surdité» du Vatican et n'hésite pas à faire un rapprochement entre le président iranien Mahmoud Ahmadinejad et Mgr Williamson: «Personne apparemment ne peut faire entendre raison au président iranien et à ses sbires» quand ils nient «la réalité» de l'Holocauste «ou son ampleur» et c'est bien ce que fait aussi «l'évêque nouvellement adoubé par la plus haute autorité de l'Eglise catholique», écrit le journal.

«Pour un homme (le pape) réputé infaillible, la bévue est extraordinaire, d'autant que sa volonté de dialogue avec le judaïsme est indiscutable», écrit le quotidien français Libération.