Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, et deux de ses prédécesseurs, ont été appelés à la rescousse mardi par les avocats des 42 prévenus du procès de l'Angolagate, qui tentent de faire capoter tout le dossier avant même l'ouverture des débats.

Au deuxième jour du procès Me Emmanuel Marsigny, l'avocat de l'homme d'affaires Pierre Falcone, soupçonné d'être avec le milliardaire israélien Arcadi Gaydamak à l'origine de ce vaste trafic d'armes vers l'Angola dans les années 90, a brandi une lettre d'Hervé Morin.

Dans cette lettre adressée en juillet à un des défenseurs de Pierre Falcone, le ministre de la Défense assure que ces ventes d'armes de guerre n'avaient pas besoin d'autorisation de l'Etat puisqu'elles ne transitaient pas par la France.

C'est exactement ce que clame la défense, soulignant que l'arsenal était acheté dans d'anciens pays communistes, négocié par une société slovaque, ZTS Osos, et livré directement en Angola.

Cette lettre est «un événement majeur» et équivaut «à un retrait de plainte... Les poursuites sont de fait éteintes», assure Me Marsigny.

Car en 2001, le ministre de la Défense d'alors, Alain Richard, a déposé une plainte qui, malgré la lettre d'Hervé Morin, n'a jamais été retirée.

Cette plainte, affirme Me Marsigny, avait été déposée «sous la pression médiatique».

«Mais les ministres compétents ont décidé qu'il n'y avait pas d'infraction» et que Pierre Falcone n'était que «l'exécutant d'une puissance publique étrangère», insiste Me Marsigny.

Mais pour l'accusation, le procureur Romain Victor estime que la lettre d'Hervé Morin n'est «rien d'autre qu'un avis donné en réponse à une demande d'avis».

Ensuite, au nom de l'Angola, Me Francis Teitgen demande formellement ce qu'il clamait la veille devant les caméras : que tous les documents diplomatiques ou les contrats angolais, piliers de l'accusation, soient retirés du dossier au nom de «la souveraineté» de cette république africaine.

Pas question, rétorque le procureur Romain Victor, il suffira au tribunal de considérer que ces documents «sont utiles à la manifestation de la vérité».

Si ses droits étaient «violés», l'Angola pourrait porter l'affaire en justice, menace Me Teitgen.

Auquel cas, demande prudemment le président Jean-Baptiste Parlos en évoquant un «récent précédent», l'action «viserait-elle la France ou les juges» ?

«La France», le rassure l'avocat, alors que le mois dernier, le Sénégal a lancé un mandat d'arrêt international contre le juge français Jean-Wilfried Noël, qui venait de délivrer 9 mandats d'arrêts internationaux contre de hauts dignitaires sénégalais dans l'affaire du naufrage du Joola.

Le dossier Angolagate empoisonne les relations entre la France et l'Angola depuis plusieurs années.

Prévu pour durer cinq mois, ce procès fleuve doit démêler les responsabilités et ramifications dans ce vaste trafic d'armes présumé vers l'Angola entre 1993 et 1998, atteignant quelque 790 millions de dollars.