«Depuis un mois, je suis libre mais je ne vois aucune raison d'être optimiste»: pour Andreï Kim et ses camarades dissidents, les législatives organisées dimanche au Bélarus s'annoncent comme une farce, quoi qu'en dise l'Occident.

Andreï Kim est l'un des trois prisonniers politiques libérés en août, avec l'ex-candidat à la présidentielle Alexandre Kozouline, une des conditions posées par l'Union européenne et les Etats-Unis pour une levée des sanctions à l'encontre de la «dernière dictature d'Europe».Arrêté après une manifestation en janvier, cet étudiant en histoire paya le prix lourd: il fut condamné à un an et demi de prison là où il s'attendait à dix jours de détention, le «tarif» habituel pour les jeunes militants de l'opposition, harcelés par le pouvoir.

«A ce moment-là, nous avions la plus grande organisation de jeunesse (Initiativa). On nous suivait depuis des mois, on surveillait nos entrées d'immeubles. Trois d'entre nous furent condamnés, d'autres expulsés de l'université», raconte-t-il, posé et serein, comme imperméable à l'oppression ambiante.

«Ma libération anticipée fut totalement inattendue», ajoute Andreï Kim, 22 ans, qui a des origines coréennes. «Le président (Alexandre) Loukachenko a impérativement besoin d'un dialogue avec l'UE et les Etats-Unis. Il n'a pas de bonnes relations avec la Russie. Il a donc fait un geste», estime-t-il.

Les Occidentaux, qui cherchent à contrecarrer l'influence de Moscou dans cette ex-république soviétique, volontiers regardée comme une arrière-cour de la Russie, réclament désormais des progrès démocratiques aux législatives pour poursuivre ce dialogue.

Le régime a bien envoyé quelques signaux, donnant un peu plus de visibilité aux candidats de l'opposition, mais tout cela reste largement «cosmétique», un adjectif en vogue ces derniers jours à Minsk.

«J'ai travaillé dans le cinéma, je sais ce que c'est, cela semble être vrai, mais c'est du carton», assure Andreï.

Opposition et observateurs redoutent surtout des fraudes massives lors du dépouillement. «Personne ne doute que cette élection sera falsifiée. On laissera entrer au Parlement des opposants qui arrangent le pouvoir», estime l'étudiant.

«Je crains que l'UE ne soit prête à reconnaître comme démocratique une élection qui aura fait semblant de l'être», s'inquiète-t-il. «Je suis pour le dialogue avec l'UE, mais si le régime devient vraiment plus démocratique.

Une fois le scrutin passé, quand la lumière sera éteinte, les répressions risquent fort de continuer. «Neuf personnes sont déjà accusées d'extrémisme pour avoir diffusé de la littérature», affirme Andreï Kim.

Mikhaïl Pachkevitch, 23 ans, militant du Parti civique uni, purge deux ans de «liberté conditionnelle» pour avoir participé à la même manifestation de petits entrepreneurs contre le régime.

«Je ne peux plus quitter mon domicile dès que la nuit tombe, je n'ai pas le droit de rendre visite à des amis, pas le droit de quitter Minsk, pas le droit d'aller au cinéma, au théâtre ou au stade. En pratique, je suis pris en otage», explique ce jeune homme stressé, au débit saccadé.

Ils sont huit dans son cas, selon l'ONG bélarusse de défense de droits de l'Homme Vesna. «Une amie a fini par craquer et est partie pour la Pologne mais elle ne peut plus revenir», raconte Mikhaïl.

Il n'est guère plus optimiste pour les mois à venir. «Depuis plus de dix ans, on a des prisonniers politiques, seuls les noms changent!», dit-il, sans illusions.

Malgré la prison, les brimades, ni Mikhaïl ni Andreï ne veulent quitter le Bélarus qu'ils espèrent voir changer un jour.

«C'est ce qu'ils attendent de moi mais je ne leur ferai pas ce cadeau», lance Andreï qui, expulsé de sa faculté, suit des cours par correspondance à l'Université européenne de Vilnius.