(New York) Quelles sont les chances que les républicains de la Chambre des représentants votent pour officialiser une enquête en destitution visant Joe Biden et concluent, en 2024, qu’il n’y a pas matière à le mettre en accusation, comme Donald Trump l’a été deux fois plutôt qu’une pendant sa présidence ?

La question se posera dès cette semaine si le président de la Chambre, Mike Johnson, donne suite à sa promesse de tenir un vote officialisant une telle enquête, vote qui recueillera, selon lui, l’appui unanime des membres de la majorité républicaine. La réponse du représentant de Louisiane est déjà prête. « Ce vote n’en est pas un pour mettre en accusation le président Biden », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse mardi dernier. « Il s’agit d’un vote visant à poursuivre l’enquête en destitution, et c’est une étape constitutionnelle nécessaire. »

Quelques-uns de ses collègues ont offert des réponses moins circonspectes, qui laissent entrevoir un scénario prévisible : la majorité républicaine de la Chambre finira par mettre Joe Biden en accusation et le renvoyer en procès au Sénat dans le cadre d’une procédure de destitution.

Le représentant du Texas Troy Nehls a expliqué tout haut ce que plusieurs de ses collègues pensent tout bas : il veut fournir à Donald Trump « un peu de munitions pour riposter » et dire que Joe Biden a également été mis en accusation par la Chambre.

De son côté, le représentant d’Ohio Jim Jordan, qui serait chargé de l’« impeachment » de Joe Biden à titre de président de la commission judiciaire de la Chambre, a déjà énoncé les trois chefs d’accusation susceptibles d’être retenus contre le président démocrate et soumis à un vote de la Chambre pendant la première moitié de 2024 : corruption, abus de pouvoir et obstruction.

L’exemple ukrainien, encore

Lundi dernier, en exemple de la corruption et de l’abus de pouvoir dont Joe Biden se serait rendu coupable, Jim Jordan a ramené sur le tapis une histoire qui a déjà été discréditée à de nombreuses reprises depuis 2019. Cette histoire veut que Joe Biden ait abusé de son pouvoir alors qu’il était vice-président pour obtenir le congédiement du procureur général de l’Ukraine qui enquêtait sur la société d’énergie ukrainienne Burisma, dont son fils Hunter Biden était un des administrateurs.

La réalité est tout autre. Les pressions exercées par Joe Biden faisaient partie d’une politique américaine appuyée par les deux partis au Congrès et voulue par les pays de l’Union européenne, entre autres.

Qui plus est, le licenciement du procureur général de l’Ukraine, critiqué pour son laxisme face à la corruption, était susceptible d’augmenter plutôt que de diminuer les chances que Burisma fasse l’objet d’une enquête digne de ce nom.

Qu’à cela ne tienne : la fausse histoire propagée par Jim Jordan est devenue un fait incontestable chez plusieurs républicains. Le représentant du Kentucky James Comer, président d’une autre commission influente de la Chambre, l’a également ressortie la semaine dernière pour fournir un exemple de la corruption de Joe Biden lors d’une interview accordée sur CNN. En aparté, son intervieweur, Jake Tapper, s’est permis de s’adresser aux téléspectateurs pour rétablir les faits.

Lors de la même interview, le représentant Comer a mis à l’essai une nouvelle théorie du complot : mercredi dernier, en Californie, le procureur spécial David Weiss « a peut-être inculpé Hunter Biden pour lui éviter d’avoir à témoigner devant la commission de surveillance de la Chambre », mercredi prochain. « Oui, la manœuvre classique : il l’a inculpé pour le protéger. J’ai compris », a répliqué Tapper sur un ton moqueur.

Hunter face à la justice

Déjà poursuivi au Delaware pour détention illégale d’une arme à feu, Hunter Biden devra répondre à neuf nouveaux chefs d’accusation pour fraude fiscale en Californie. « Hunter Biden s’est engagé dans un stratagème de quatre ans dans lequel il a choisi de ne pas payer au moins 1,4 million de dollars d’impôts fédéraux qu’il devait pour les années fiscales 2016 à 2019 et de se soustraire à l’évaluation des impôts pour l’année fiscale 2018 lorsqu’il a rempli de fausses déclarations », a résumé le procureur spécial dans une déclaration écrite.

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Hungter Biden, le 24 novembre dernier

L’acte d’accusation jette une lumière crue sur le style de vie décadent de Hunter Biden durant la période où il fumait du crack en quantité industrielle. Mais le document ne contient aucune information liant Joe Biden aux affaires de son fils. L’histoire demeure donc la même, jusqu’à preuve du contraire : Hunter Biden a exploité son nom de famille pour s’enrichir grâce à diverses activités et entreprises commerciales dans des pays tels l’Ukraine et la Chine, mais aucune de ces affaires n’était illégale. Et rien n’indique que Joe Biden en ait profité.

Ce n’est pas parce que les républicains de la Chambre n’ont pas essayé de prouver le contraire. Au cours des 10 derniers mois, ils ont obtenu 36 000 pages de documents bancaires, 2000 pages de rapports du département du Trésor sur des activités suspectes et des dizaines d’heures de témoignages d’anciens partenaires d’affaires de Hunter Biden, d’agents et de procureurs fédéraux.

Une chose est certaine : l’officialisation de l’enquête en destitution de Joe Biden permettra aux républicains d’être en meilleure position, sur le plan juridique et constitutionnel, pour réclamer des documents ou des témoignages de la Maison-Blanche. Cette étape est peut-être le sésame dont ils avaient besoin pour trouver la preuve incontestable de la corruption de Joe Biden.

Mais, peu importe les résultats de cette démarche, la mise en accusation du président démocrate en 2024 par les républicains de la Chambre semble inévitable. Et les États-Unis devraient ainsi connaître une autre première : une procédure de destitution visant un président sortant en plein cœur d’une course à la Maison-Blanche.