(Washington) Il veut poser des « questions difficiles » au gouvernement israélien, et faire enfin entrer l’aide humanitaire à Gaza : Joe Biden est parti mardi pour Israël, mais a dû renoncer à se rendre aussi en Jordanie, après un tir meurtrier sur un hôpital de Gaza.

Le démocrate de 80 ans, en annonçant lundi son déplacement, faisait déjà un pari immense : celui d’arriver à se présenter à la fois comme le garant de la sécurité d’Israël dans sa guerre contre le Hamas, comme le meilleur espoir des civils palestiniens, et comme un rempart face aux risques d’escalade régionale.

Mais cette quête d’équilibre, qui reposait sur une étape à Tel-Aviv suivie d’un passage à Amman, a volé en éclats avant même son départ.

La Jordanie a annulé le sommet auquel il devait participer, avec le roi Abdallah II, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a assuré qu’il s’était agi d’une décision « mutuelle », et indiqué que Joe Biden appellerait le dirigeant palestinien et le président égyptien dans l’avion du retour, mercredi soir.

« Indigné »

Le président américain s’est dit, dans un communiqué, « indigné » et « profondément attristé » suite à ce qu’il a appelé une « explosion ». Il ne s’est pas prononcé sur l’origine du tir qui a provoqué la mort d’au moins 500 personnes, alors que le Hamas l’impute à Israël, et que l’armée israélienne accuse le Djihad islamique.

Dans cette atmosphère tendue à l’excès, le Hezbollah libanais a appelé à une « journée de colère » mercredi.

Joe Biden a pourtant maintenu son voyage, sous très haute sécurité, parce qu’il veut poser des « questions difficiles » à Israël, selon John Kirby.  

Avant une potentielle offensive terrestre, le président américain veut se faire expliquer la stratégie et les objectifs militaires du pays lors d’une rencontre avec le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Son autre grand objectif est de faire arriver de l’aide étrangère à Gaza, cible de bombardements israéliens incessants et déjà en proie à une crise humanitaire.

Il faut que l’assistance arrive « le plus vite possible » pour répondre aux « besoins désespérés », a dit John Kirby, en se disant « optimiste ».  

Joe Biden doit aussi rencontrer des familles d’otages détenus par le Hamas. Les États-Unis, qui ont perdu au moins 31 ressortissants suite à la sanglante attaque du groupe islamiste palestinien le 7 octobre, comptent un petit nombre d’otages détenteurs d’un passeport américain.  

Dissuasion

Le président, dont le programme détaillé n’a pas été révélé pour protéger ses déplacements, doit enfin prononcer un discours à Tel-Aviv.

Joe Biden, pour qui la sécurité d’Israël est une priorité stratégique autant qu’une affaire personnelle, a jugé que le pays avait « le devoir » de se défendre.  

Mais selon la presse américaine, certains de ses conseillers s’inquiètent du message qu’envoie ce voyage, alors que les bombardements incessants d’Israël sur la bande de Gaza suscitent la colère des pays arabes, dans les chancelleries comme dans la rue.  

Ces frappes ont fait plus de 3000 morts, en majorité des civils, dont des centaines d’enfants, selon les autorités locales. Plus de 1400 personnes ont été tuées en Israël depuis le début de la guerre, la plupart des civils tandis que le Hamas a enlevé 199 personnes, selon l’armée israélienne.

Le voyage de Joe Biden sera un test de l’influence américaine dans la région, et en particulier de la puissance de dissuasion de la première puissance militaire mondiale face au Hezbollah pro-iranien, et donc face à Téhéran.

Le président américain, qui se flatte d’une longue expérience diplomatique, voudrait par ailleurs que l’Égypte entr’ouvre au moins sa frontière pour laisser entrer des civils palestiniens.

Les États-Unis, qui sont déjà le principal soutien de l’Ukraine et qui veulent conserver des ressources stratégiques pour tenir tête à la Chine, ne veulent pas se laisser entraîner dans un embrasement généralisé du Moyen-Orient.

« Nous sommes les États-Unis d’Amérique, pour l’amour de Dieu, la nation la plus puissante […] de l’histoire du monde. Nous pouvons nous occuper » de l’Ukraine et d’Israël à la fois, avait toutefois affirmé Joe Biden dimanche sur CBS.