(Fort Lauderdale et Washington) L’attaque au fusil d’assaut dans une école de Floride, qui a fait 17 morts en 2018 et révolté les États-Unis, était un acte « froid, calculé, prémédité », a soutenu lundi l’accusation, à l’ouverture du procès destiné à fixer la peine de son auteur.

Nikolas Cruz, 23 ans, a plaidé coupable de meurtres, et le jury doit seulement décider de le condamner à la peine capitale ou à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle.

Vêtu d’un gros chandail, de larges lunettes et le visage couvert par un masque anti-COVID-19, il s’est présenté lundi dans un tribunal de Fort Lauderdale, où des proches de ses victimes avaient pris place.

Certains ont laissé couler des larmes quand le procureur a déroulé avec minutie sa virée meurtrière, le 14 février 2018, dans l’école secondaire Marjory Stoneman Douglas de Parkland, dont il avait été exclu un an plus tôt.

PHOTO CARLINE JEAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Max Schachter (à gauche), le père d’Alex Schachter, assiste au procès.

« Je vais vous dire l’indicible », avait prévenu Mike Satz dès son introduction, avant de raconter comment le tireur, armé d’un fusil semi-automatique, a procédé méthodiquement dans l’établissement, tirant au total 139 coups de feu, tuant 14 élèves et 3 adultes.

Il s’était ensuite glissé parmi les élèves en fuite, avait pris une boisson dans un restaurant de restauration rapide, avant d’être reconnu par un policier et arrêté.

« Les meurtres étaient particulièrement atroces », mais aussi « froids, calculés, prémédités », a insisté le procureur, sans évoquer, à ce stade, la peine de mort.

« Néant »

Ce procès, qui devrait durer plusieurs mois, a un caractère singulier tant il est rare, aux États-Unis, que les auteurs de tels carnages survivent à leur attaque.

Il intervient dans un pays sous le choc d’une série de fusillades sanglantes dans une école primaire (21 morts, dont 19 enfants), un supermarché (10 morts, tous Afro-Américains) et un défilé de la fête nationale (7 morts).  

Au premier jour d’audience, la cour a été immédiatement plongée dans l’horreur du drame : une vidéo enregistrée par une élève a été présentée aux jurés, seul le son – des cris, des râles, des pleurs entrecoupés de coups de feu – étant audible pour le reste de l’assistance.

Nikolas Cruz a alors couvert son visage avec ses mains et s’est courbé vers sa table.  

Ses avocats devraient plaider que leur client, à l’enfance difficile, est atteint de troubles mentaux et rappeler qu’il a présenté ses excuses.

Je suis vraiment désolé de ce que j’ai fait, j’en porte le poids chaque jour.

Nikolas Cruz en octobre dernier

L’accusation insistera pour sa part sur la nature préméditée du crime en s’appuyant sur une vidéo enregistrée avant le passage à l’acte. « Que commence aujourd’hui mon massacre. Que tous les enfants effrayés courent se cacher », disait-il.

« Ma vie est néant et n’a aucun sens », ajoutait-il, annonçant vouloir se rendre dans son ancienne école en véhicule Uber, armé d’un fusil AR-15.

Malgré ses antécédents psychiatriques et des signalements sur sa dangerosité, Nikolas Cruz avait en effet pu acheter légalement ce fusil, une version civile des fusils d’assaut.

24 000 morts

L’attaque de Parkland était le pire massacre commis en milieu scolaire aux États-Unis depuis la tuerie de l’école Sandy Hook à Newtown, dans le Connecticut, en 2012, lors de laquelle 26 personnes avaient péri.

Elle avait suscité une mobilisation record menée par de nombreux jeunes rescapés et les parents de victimes. Le 24 mars 2018, la « Marche pour nos vies » avait rassemblé 1,5 million de personnes à travers le pays, la plus grande manifestation nationale pour un meilleur encadrement des armes à feu de l’histoire des États-Unis.

Malgré les espoirs des manifestants, aucune réforme législative n’avait été adoptée au Congrès, et les ventes d’armes à feu ont continué à augmenter ces dernières années aux États-Unis, notamment durant la pandémie de COVID-19.

Ces armes ont fait plus de 24 000 morts, dont 13 000 suicides, depuis le début de l’année, selon le site Gun Violence Archive.

Les drames récents ont été suivis de l’adoption d’une loi fédérale à la portée modeste, qui prévoit surtout de renforcer les fonds alloués à la sécurité des écoles et à la santé mentale.