(New York) « Trop c’est trop » : le président des États-Unis Joe Biden s’est insurgé jeudi à New York contre la vague de violences par arme à feu qui meurtrit la mégapole américaine et les grandes villes du pays, et a promis d’en faire plus contre la criminalité.

Accusé de passivité par l’opposition républicaine, Joe Biden entend montrer aux Américains qu’il veut juguler la flambée de ces violences dans tout le pays, sujet politiquement miné pour lui, à quelques mois des élections législatives au Congrès.

« Trop c’est trop parce que nous savons que nous pouvons faire quelque chose contre cela », a martelé Joe Biden devant une centaine de responsables de la ville et de l’État de New York. Ils étaient réunis au siège de la police new-yorkaise (NYPD) à l’invitation du nouveau maire démocrate Eric Adams, un ancien policier afro-américain partisan d’une ligne dure contre la criminalité.

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Eric Adams, ancien policier afro-américain de l’aile droite du parti démocrate, est sous pression depuis sa prise de fonction le 1er janvier pour combattre la criminalité, surtout depuis que deux jeunes agents du NYPD ont été abattus par un homme violent à Harlem, le 21 janvier.

Dans un discours, le président américain a repris des chiffres à l’échelle nationale dénombrant « 64 enfants blessés dans des violences par arme à feu depuis le début de l’année et 26 tués ».  

Trafic d’armes

Au pouvoir depuis tout juste un an, Joe Biden a toutefois vanté « la mise en place d’une stratégie complète de lutte contre la criminalité par arme à feu dans des villes comme New York, Philadelphie et Atlanta et dans beaucoup d’autres ». Tout en admettant que les autorités fédérales devaient « faire davantage », avant tout contre la prolifération d’armes vendues en kit, non répertoriées, et le tentaculaire trafic illégal.  

À ses côtés, Eric Adams est lui aussi sous pression depuis sa prise de fonction le 1er janvier. Surtout depuis que deux jeunes agents du NYPD ont été abattus le 21 janvier par un homme violent et armé à Harlem.  

Il a regretté que le gouvernement fédéral et les autorités locales n’aient « pas, contre la violence par arme à feu, une approche dans le style (d’une réponse au) 11-Septembre », appelant de ses vœux une meilleure coopération entre les corps policier et judiciaire. Il a réclamé une « réforme de la justice pénale dans cette ville et ce pays ».

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Joe Biden à son arrivée à l’aéroport international John F. Kennedy. Il doit visiter le siège de la police de la ville en compagnie du nouveau maire Eric Adams, avant une rencontre avec des responsables locaux dans le Queens, l’un des cinq arrondissements.

En 2021, plusieurs villes ont enregistré des nombres record d’homicides. Magasins pillés à San Francisco, enfants tués par des balles perdues, fusillades faisant de nombreuses victimes : ces faits divers rythment l’actualité américaine.

Conséquence de la pandémie

Certes, la vague de violences a commencé à monter avant que Joe Biden n’arrive au pouvoir en janvier 2021, une conséquence, selon des experts, de la pandémie qui a fragilisé le tissu social. Et les villes américaines restent plus sûres qu’elles ne l’étaient dans les années 1980 et 1990.

Mais le président est de plus en plus jugé responsable de l’insécurité croissante. Selon un sondage ABC/Ipsos de décembre, le pourcentage d’Américains approuvant son action en matière de sécurité est tombé à 36 %, contre 43 % en octobre.

Le démocrate est accusé par une partie des républicains d’ignorer la hausse de la criminalité et de vouloir tailler dans les moyens des forces de l’ordre, avant des élections législatives en novembre mal engagées pour les démocrates.

Eric Adams réclame au contraire une hausse du budget du NYPD (36 000 policiers et 19 000 employés) après un mouvement de protestation de la gauche new-yorkaise contre la police en 2020.

« La réponse ne consiste pas à couper les financements de la police », a assuré Joe Biden en apportant ainsi sa caution au nouvel édile démocrate de New York.

Ce dernier avait annoncé fin janvier le rétablissement de patrouilles de policiers en civil, des équipes controversées supprimées en 2020 par son prédécesseur de gauche Bill de Blasio après la mort de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis, l’évènement déclencheur des grandes manifestations « Black Lives Matter » de l’été 2020.

« Black Lives Matter »

Si Joe Biden ne veut pas être taxé de passivité par les républicains, il ne peut pas se permettre non plus de braquer l’électorat afro-américain, majoritairement favorable aux démocrates, et auquel il a promis plus de justice pendant sa campagne.

Les activistes qui luttent contre les violences policières n’ont pas oublié qu’en 1994, le sénateur Biden avait soutenu avec ferveur un durcissement pénal jugé responsable, par la suite, de l’incarcération en masse de personnes issues des minorités.  

Dans les faits, la Maison-Blanche semble avoir mis en sourdine certaines promesses faites au camp progressiste en matière de politique pénale.

Le président a certes nommé, à tous les échelons du système judiciaire, des magistrats issus des minorités.

Mais il n’a pas vraiment cherché jusqu’ici à relancer une réforme de la police inspirée par le mouvement « Black Lives Matter », et qui a échoué au Congrès l’an dernier.