L'ancien Marine américain détenu à Moscou pour espionnage jouit également des nationalités britannique, irlandaise et canadienne, ont déclaré des responsables. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères a accusé vendredi la Russie de tenter d'utiliser Paul Whelan comme un pion dans un « jeu d'échecs diplomatique ».

Cette quadruple citoyenneté de M. Whelan exerce maintenant une pression multilatérale sur Moscou. La Grande-Bretagne, l'Irlande et le Canada ont ainsi demandé que leurs diplomates soient autorisés à lui rendre visite, comme l'a fait cette semaine l'ambassadeur des États-Unis.

Paul Whelan, directeur de la sécurité mondiale pour une entreprise américaine de pièces d'autos, a été arrêté le 28 décembre à Moscou. À l'époque, on ne le présentait que comme « un Américain ».

Les autorités russes n'ont révélé aucune information sur les charges retenues contre M. Whelan, qui pourrait encourir jusqu'à 20 ans de prison s'il était reconnu coupable d'espionnage. Les médias russes ont rapporté jeudi que le détenu, âgé de 48 ans, avait été officiellement accusé d'espionnage. Selon l'agence de presse Interfax, il aurait nié les allégations.

La famille de M. Whelan a soutenu que l'homme se trouvait en Russie pour assister au mariage d'un ami. Un député russe a de son côté laissé entendre, vendredi, que le détenu pourrait être échangé contre une Russe qui a plaidé coupable aux États-Unis d'avoir tenté d'influencer la politique américaine.

Les relations entre Moscou et Londres se sont considérablement détériorées après les allégations britanniques selon lesquelles des agents du renseignement de l'armée russe seraient à l'origine de l'empoisonnement d'un ancien agent double russe et de sa fille à Salisbury, en mars dernier. La Grande-Bretagne a expulsé 23 diplomates russes dans cette affaire et de nombreux alliés britanniques ont imité Londres ; au total, plus de 150 diplomates russes ont été expulsés.

« Jeux d'échecs diplomatiques »

Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a déclaré vendredi à « Sky News » que son gouvernement contestait « l'utilisation d'individus dans des jeux d'échecs diplomatiques ».

Le ministère irlandais des Affaires étrangères a confirmé vendredi que M. Whelan possédait également la nationalité irlandaise et que Dublin avait demandé un accès consulaire. Affaires mondiales Canada a confirmé que le ministère lui fournissait une aide consulaire et demandait aux autorités russes de plus amples informations sur son cas.

Le frère jumeau de M. Whelan, David, a déclaré dans un communiqué que la famille était « très heureuse de savoir que le personnel de l'ambassade américaine à Moscou avait obtenu un accès consulaire, et confirmé que Paul était en sécurité ». Il a exhorté le Congrès et le département d'État américains à oeuvrer à la libération de son frère.

Il y a deux semaines, la militante russe pour le port d'armes à feu Maria Butina a plaidé coupable aux États-Unis d'avoir conspiré pour servir d'« agent étranger » en tentant d'infiltrer les cercles conservateurs américains et la « National Rifle Association » dans le but d'influencer la politique américaine.

Mme Butina est devenue une héroïne pour Moscou - son visage est utilisé pour la photo de profil de la page Facebook du ministère des Affaires étrangères. Le moment choisi pour l'arrestation de Paul Whelan laisse croire que l'ancien Marine pourrait être utilisé comme monnaie d'échange. Le premier vice-président de la Commission des affaires internationales de la Douma russe, Dmitry Novikov, n'a pas écarté cette possibilité, une fois que l'enquête sur M. Whelan sera terminée.

Paul Whelan, ancien sergent d'état-major des Marines en Irak, se rend en Russie depuis au moins 2007. Il est aujourd'hui directeur de la sécurité mondiale pour BorgWarner, un fournisseur de pièces d'automobiles établi à Auburn Hills, au Michigan.