(Washington) Triomphant, Donald Trump a proclamé la fin d’une « chasse aux sorcières » après la publication des conclusions du dossier russe. Pas si vite, ont rétorqué les démocrates, en promettant de continuer à enquêter sur le président républicain à la conduite « malhonnête » et « immorale » selon eux.     

« Pour les enragés et les démocrates de la gauche radicale, c’est Game Over », avait tonné jeudi le milliardaire dans un message imitant, sur Twitter, la célébrissime série Game of Thrones.

Après 22 mois d’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016, le procureur spécial Robert Mueller a conclu qu’il n’y avait pas eu entente entre l’équipe du républicain Donald Trump et Moscou.  

Mais si M. Trump a crié victoire, ces conclusions ne l’ont toutefois pas blanchi des soupçons d’entrave à la justice.  

Un point que les démocrates se sont empressés de saisir.  

« Donald Trump a passé toute sa présidence à mener une campagne incessante d’obstruction, d’intimidation et d’abus de pouvoir », a lancé le président du parti démocrate, Tom Perez.  

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Le président du parti démocrate, Tom Perez

Forts de leur majorité à la Chambre des représentants, ils disposent du pouvoir de mener des enquêtes parlementaires. Influence russe, abus de pouvoir mais aussi finances de Donald Trump : de nombreuses investigations sont déjà en cours.  

Actes « profondément alarmants »

Les actes du président sont « profondément alarmants » et « indubitablement malhonnêtes, non éthiques, immoraux et antipatriotiques », a accusé jeudi Adam Schiff, président démocrate de la puissante commission du Renseignement de la chambre basse.  

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Le président démocrate de la puissante commission du Renseignement de la chambre basse, Adam Schiff

Pour tous les démocrates, une même conclusion : avec son rapport, Robert Mueller a sciemment lancé la balle dans le camp du Congrès.  

Il revient donc désormais aux parlementaires d’enquêter afin de déterminer « la portée » des méfaits présumés imputés à Donald Trump puis de décider de la marche à suivre, a affirmé vendredi Jerry Nadler, chef démocrate de la commission judiciaire.  

Il a du même coup remis au procureur général une injonction à livrer, d’ici le 1er mai, le rapport Mueller dans son intégralité à sa commission. La version publiée jeudi avait été expurgée de certaines informations confidentielles.  

Dès jeudi, les démocrates ont appelé le procureur Mueller à témoigner devant la Chambre des représentants, d’ici le 23 mai. Le procureur général, Bill Barr, se retrouvera lui sur le gril du Congrès dès les 1er et 2 mai.  

« Impeachment » encore loin

Depuis la publication du rapport, certains élus de l’aile la plus à gauche du parti agitent la menace d’une procédure de destitution, ou « impeachment ».  

Mais les chefs démocrates écartent encore clairement cette option.  

Elle serait à ce stade vouée à l’échec, compte tenu de la majorité républicaine au Sénat. Et tous ont encore en tête la cuisante défaite parlementaire républicaine après la procédure d’« impeachment » lancée contre le démocrate Bill Clinton.

Lancer une telle procédure « n’en vaut pas la peine à ce point », a déclaré à CNN le chef de la majorité à la Chambre Steny Hoyer. « Très franchement, nous avons une élection » en novembre 2020 « et les Américains rendront leur verdict. »

À l’approche de ces élections présidentielle et parlementaires cruciales, l’opposition doit en effet naviguer avec précaution dans les eaux troubles de la tentaculaire enquête russe, qui a empoisonné plus de la moitié du mandat de Donald Trump sans toutefois faire basculer l’opinion des électeurs.

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Donald Trump et son épouse Melania sont arrivés en Floride jeudi soir pour passer le long week-end à Mar-a-Lago.

Candidat à sa réélection, le président jouit d’un taux de popularité de quelque 90 % chez les républicains.  

En face, près d’une vingtaine de candidats se disputent l’investiture démocrate.  

D’un tweet ou deux, les prétendants démocrates à la présidentielle ont certes réagi à la publication du rapport, mais ont rapidement pivoté vers leur campagne en se concentrant sur les sujets qui préoccupent en priorité les électeurs : le système d’assurance santé, l’emploi, l’éducation…

Une formule qui leur a réussi lors des élections de novembre 2018, lorsqu’ils ont arraché la chambre basse aux républicains.

« Le rapport Mueller est un ensemble troublant, mais pas totalement surprenant, de preuves décrivant un président qui place ses propres intérêts avant ceux du pays », a réagi Pete Buttigieg, petit candidat démocrate devenu phénomène du début de campagne. Et d’ajouter : « aujourd’hui démontre une nouvelle fois que nous devons changer de chaîne en 2020 ».