Comme tous les gens qui traînent des dettes dont ils sont incapables de s'acquitter, Terrance Lavalle n'a pas l'habitude de recevoir de bonnes nouvelles par courrier. Aussi a-t-il écarquillé les yeux en lisant l'amorce d'une lettre que lui adressait récemment un groupe dont il n'avait jamais entendu parler.

«Nous avons de bonnes nouvelles à vous annoncer. Le fonds du Rolling Jubilee, un organisme à but non lucratif, a racheté vos dettes [encourues pour des traitements médicaux]. Notre mission est de racheter et d'effacer les dettes personnelles. Nous croyons que personne ne devrait s'endetter pour les choses fondamentales de nos vies comme les soins de santé, le logement et l'éducation.»

Et la lettre de poursuivre: «Vous n'avez plus aucune obligation de régler cette dette avec votre créancier original, l'agence de recouvrement ou personne d'autre. [...] Si vous avez des questions additionnelles ou si vous voulez partager votre histoire, contactez-nous.»

Terrance Lavalle a partagé son histoire et surtout sa réaction à la lecture de la lettre du Rolling Jubilee avec Jerry Ashton, auteur et animateur de 15 Minutes of Fact, une émission radiophonique.

«J'étais estomaqué», a dit ce quinquagénaire du Massachusetts, qui a perdu son emploi après avoir subi il y a quelques années une blessure au dos dont le traitement a entraîné des frais médicaux de 3000$, qu'il n'a jamais pu acquitter.

«Il n'y a pas beaucoup de gens qui font ce genre de choses», a-t-il ajouté, en avouant avoir contacté un banquier de sa connaissance pour vérifier le sérieux de ce groupe qui disait avoir racheté et effacé ses dettes médicales.

S'endetter pour se soigner

En fait, Terrance Lavalle n'était qu'une des 2693 personnes ayant reçu une lettre quasi miraculeuse dans le cadre de l'opération Rolling Jubilee, lancée par des militants d'Occupy Wall Street le 15 novembre 2012. Un an plus tard, le mouvement a racheté et effacé pour près de 15 millions de dollars de dettes contractées par ce groupe d'Américains auprès d'hôpitaux ou d'entreprises médicales.

Le rachat de ces dettes n'aura coûté que 400 000$ à Occupy Wall Street, les créanciers étant prêts à se débarrasser à vils prix de dettes dont ils doutent qu'elles pourront un jour être remboursées. Ces 400 000$ provenaient de dons versés au mouvement né en septembre 2011 pour protester contre les inégalités sociales et les abus de l'industrie financière.

«Le Rolling Jubilee a été conçu comme une campagne d'éducation publique et non pas comme une solution à long terme à la crise de l'endettement des foyers», a expliqué à La Presse Andrew Ross, professeur de sociologie à l'Université de New York et membre du groupe Strike Debt d'Occupy Wall Street, à l'origine de l'opération.

«L'idée est de conscientiser les gens aux prix très bas où les dettes sont vendues aux agences de recouvrement. Les créanciers sont prêts à vendre des dettes à un taux inférieur à cinq cents pour un dollar à tout le monde sauf à la personne endettée. Il est important que ça se sache. Le projet s'inscrit aussi dans l'esprit du Jubilé 2000, la campagne pour l'annulation de la dette des pays du tiers-monde. Nos gouvernements restent inactifs sur ces problèmes, il revient donc aux gens de s'y attaquer eux-mêmes.»

L'opération Rolling Jubilee ne reçoit à peu près aucune information sur ses bénéficiaires, sinon l'adresse où elle envoie les lettres les informant que leurs dettes ont été rachetées et effacées. L'organisme possède encore 200 000$ qu'il compte utiliser pour aider également les étudiants qui croulent sous les dettes.

Le mouvement s'étend

Et ce mouvement est en train de faire des petits dans plusieurs villes aux États-Unis, dont Austin, au Texas, et San Francisco, en Californie. Responsables de 62% des faillites personnelles aux États-Unis, les dettes encourues pour des traitements médicaux sont la cible principale de ces groupes.

«Nous sommes fiers d'offrir une bouée de sauvetage aux débiteurs qui sont victimes des horreurs de l'endettement pour des traitements médicaux. Une société qui permet à la classe créancière de profiter des besoins fondamentaux de la vie a besoin d'un changement radical», écrivent les organisateurs du Rolling Jubile sur leur site internet.

Chose certaine, ils ont désormais en Terrance Lavalle un défenseur aussi reconnaissant qu'enthousiaste.