À la veille de son 100e jour à la présidence des États-Unis, Barack Obama ne pouvait guère rêver à un plus beau cadeau: prenant le Tout-Washington de court, le sénateur républicain de Pennsylvanie, Arlen Specter, a annoncé qu'il passait dans le camp démocrate, une décision susceptible de faciliter l'adoption des réformes ambitieuses du chef de la Maison-Blanche.

Avec la défection de Specter, les démocrates ne sont désormais plus qu'à un sénateur de la majorité qualifiée de 60 sur 100 dont ils ont besoin pour empêcher l'opposition d'utiliser le filibuster, une forme d'obstruction parlementaire qui permet à la minorité du Sénat de repousser indéfiniment l'adoption d'un texte de loi, ou la confirmation d'un juge, entre autres. Ils pourraient contrôler un 60e siège si Al Franken obtenait gain de cause contre le sénateur sortant du Minnesota, le républicain Norm Coleman, qui en appelle actuellement des résultats de l'élection de novembre 2008 devant la Cour suprême de son État.

 

La défection d'Arlen Specter inflige un nouveau coup dur aux républicains, dont la radicalisation semble s'accompagner par une diminution d'influence au sein de la population américaine. Âgé de 79 ans, le sénateur faisait partie de l'aile modérée du Grand Old Party (GOP), une appartenance qui compromettait ses chances de victoire en 2010 à l'occasion de la course à l'investiture républicaine pour le siège qu'il occupe depuis 1981. Il avait notamment été condamné par les éléments purs et durs du GOP de son État après avoir voté en faveur du plan de relance économique du président Obama.

 

«Je ne suis pas prêt à laisser l'électorat des primaires du Parti républicain de Pennsylvanie décider de ma carrière de 29 ans au Sénat des États-Unis, pas prêt à laisser ce jury juger cette feuille de route», a déclaré l'ancien procureur lors d'une conférence de presse tenue hier après-midi à Washington.

Dans une déclaration publiée vers midi, le sénateur Specter avait déjà annoncé son intention de se présenter pour les élections de 2010 aux primaires du Parti démocrate, dénonçant du même coup la radicalisation des républicains.

«Depuis mon élection en 1980 comme membre de la grande coalition menée par Ronald Reagan, le Parti républicain a dérivé loin vers la droite, a-t-il indiqué. L'année dernière, plus de 200 000 républicains de Pennsylvanie ont changé leur affiliation pour devenir démocrates. Je constate aujourd'hui que ma philosophie politique s'accorde davantage avec celle des démocrates qu'avec celle des républicains.»

Au cours de sa longue carrière au Sénat, Arlen Specter s'est fait connaître pour son indépendance et son expertise dans les dossiers touchant à la justice, le renseignement et les anciens combattants. Il est présentement vice-président de la commission des Affaires judiciaires. Il y a un an, il a annoncé qu'il était atteint de la maladie de Hodgkin, une forme de cancer du système lymphatique dont il était en rémission après six mois de chimiothérapie en 2005.

Évidemment, les démocrates ont jubilé en apprenant sa défection. «Vous avez mon appui total, a déclaré le président Obama à son ancien collègue du Sénat lors d'une conversion téléphonique en matinée. Je suis ravi de vous avoir.» «Nous l'accueillerons à bras ouverts», a déclaré de son côté la sénatrice démocrate du Michigan, Debbie Stabenow.

La majorité de 60 votes au Sénat ne garantirait pas au président Obama le passage automatique de ses réformes. Elle inclurait un certain nombre de démocrates conservateurs et deux sénateurs indépendants, dont Joseph Lieberman, du Connecticut, qui pourraient choisir de participer à un filibuster avec les républicains un projet de loi particulier à la fois.

Mais il ne fait pas de doute que les chances du président démocrate de faire adopter ses réformes prioritaires en santé, éducation et énergie viennent d'augmenter.

Répartition au Sénat et à la Chambre des représentants