Soulagé, le cardinal Ouellet applaudit l'élection de François, un « bon ami » qui le maintiendra dans une prestigieuse position à la curie romaine.

Le cardinal Ouellet n'est pas déçu de ne pas être pape. Au contraire. « À chaque fois que mon nom était prononcé dans le décompte des votes, je pensais : « Mais qu'est-ce qu'ils pensent ces gens-là! Ils sont fous ces Romains! » dit-il en éclatant de rire.

Le prélat québécois avait retrouvé le sourire quand La Presse l'a rencontré à son luxueux penthouse, avec vue imprenable sur la basilique Saint-Pierre, vendredi soir. Sérieux prétendant à la papauté malgré lui, il a mal dormi pendant le conclave qui a porté François sur le trône du Vatican après cinq scrutins mercredi soir.

« J'étais préparé psychologiquement à toute éventualité. Quand j'ai vu le discernement des cardinaux se poser sur quelqu'un d'autre, j'étais soulagé. L'issue du conclave était la meilleure possible. J'ai applaudi chaudement avec les autres quand le cardinal Bergoglio a été élu. »

Or, Marc Ouellet avait de sérieuses chances d'enfiler la soutane blanche. Il était en troisième position dès le premier tour selon Gerard O'Connell, journaliste au Vatican Insider qui a des sources bien placées. « Selon ce qu'on m'a dit, l'ordre était ainsi : Jorge Mario Bergoglio, Angelo Scola et Marc Ouellet », dit en entrevue celui qui couvre les affaires du Vatican depuis 25 ans.

La presse italienne croit que Marc Ouellet a demandé à ses partisans d'appuyer Bergoglio afin d'éviter l'impasse au conclave. Le cardinal Bergoglio avait fait de même en 2005 pour laisser la voie libre à Joseph Ratzinger.

Mais le cardinal québécois refuse d'en discuter. « J'ai prêté serment de garder le secret sur ce qui s'est passé au conclave et c'est ce que je ferai », dit-il pour clore le sujet.

Pas de comptes à rendre

Même silence entêté quand on lui demande son rôle exact sur le départ à la retraite du cardinal Keith O'Brien. Selon la presse britannique, le prélat écossais avait harcelé sexuellement un prêtre qui s'était plaint auprès du Vatican en octobre dernier. Le Saint-Siège avait convoqué le cardinal en novembre, mais lui avait permis de rester au poste jusqu'au 17 mars.

À titre de préfet de la Congrégation des évêques, c'est le cardinal Ouellet qui aurait négocié la date de son départ.

« Je ne donne pas d'explication sur mon travail, c'est confidentiel, dit-il en haussant légèrement la voix. Les médias donnent d'ailleurs des versions contradictoires, certains disent que j'ai bien fait, d'autres non. Je n'ai pas de comptes à rendre aux journalistes. »

À l'aube de la formation d'un nouveau gouvernement à la curie romaine, le cardinal Ouellet ne craint pas pour son important poste de préfet de la Congrégation des évêques. Le pape François l'a retenu pendant deux minutes pour un petit tête-à-tête vendredi matin afin de lui dire qu'il comptait sur lui pour la suite des choses.

« Il m'a dit qu'il voulait m'avoir comme collaborateur, dit-il fièrement. Comme étranger à la curie romaine, il a besoin d'hommes d'expérience. » Le Québécois avait suggéré la candidature du cardinal Bergoglio à Benoît XVI comme membre de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, dont il est le président.

Sur ses années au Québec, le cardinal persiste et signe : il n'aurait pu faire mieux. « Quand on commence dans un nouveau milieu, on est guidé par la lumière de Dieu. J'avais un dilemme au point de vue éthique. Je peux donner l'impression d'être quelqu'un de distant alors que c'est tout le contraire, je suis très sensible. Peut-être que j'aurais pu mieux accompagner les prêtres québécois. Mais outre ça, je ne vois pas ce que j'aurais fait de différent. »