Le Hamas parie sur un échec du projet du président Mahmoud Abbas d'obtenir à l'ONU un État de Palestine, mais sans s'y opposer frontalement, pour le moment, afin de ne pas rouvrir un conflit interpalestinien impopulaire, selon des experts.

«Si Abou Mazen (Mahmoud Abbas, NDLR) échoue, le Hamas sera plus fort que jamais, car c'est la dernière carte d'Abou Mazen et cela mettra fin au projet des négociations au profit de celui du Hamas», estime l'analyste politique Akram Atallah.

«Le Hamas mise sur l'échec d'Abou Mazen à l'ONU parce qu'il le comptabilisera comme un point positif pour lui et qu'il a intérêt à hâter la fin de son pouvoir», confirme Moukhaïmer Abou Saada, professeur de sciences politiques à l'Université Al-Azhar de Gaza.

Le mouvement islamiste, qui a saisi le pouvoir dans la bande de Gaza en chassant en juin 2007 les forces du Fatah, le parti du président Abbas, accuse ce dernier d'avoir agi sans concertation.

«Il aurait dû y avoir d'abord un consensus sur une stratégie nationale unifiée plutôt qu'une décision solitaire», a déclaré à l'AFP un dirigeant du Hamas, Ismaïl Radwane, faisant allusion aux craintes que l'avènement d'un État ne mette en péril les droits des réfugiés hors des Territoires palestiniens.

Le président Abbas a l'intention de présenter le 23 septembre une demande d'adhésion d'un État de Palestine à l'ONU sur les frontières du 4 juin 1967, c'est-à-dire la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est.

Mais le premier ministre du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, a réitéré dimanche le rejet par son mouvement de l'initiative de Mahmoud Abbas.

M. Haniyeh a estimé qu'«aucun acteur palestinien n'a de mandat pour faire des concessions historiques sur le territoire palestinien ou les droits des Palestiniens, en particulier le droit au retour», une allusion aux réfugiés.

Toutefois, le Hamas --au sein duquel s'expriment des opinions différentes même si une seule décision prévaut-- se ménage encore une marge de manoeuvre au cas où la demande à l'ONU aboutirait à des progrès pour les Palestiniens, afin de ne pas heurter de front les aspirations d'une partie de l'opinion.

Un succès à l'ONU «influencera positivement le Hamas qui s'oriente vers la modération cette année et le rendra plus souple en fonction de la situation», juge Talal Okal, un analyste basé à Gaza.

«Si Abou Mazen obtient un État, cet État sera gouverné par le système politique palestinien, dont le Hamas fait partie, ce qui représente un gain politique pour le Hamas et sa légitimité après la réconciliation», approuve Akram Atallah.

Le Hamas et le Fatah ont conclu un accord de «réconciliation» le 27 avril au Caire, mais ce pacte est aujourd'hui au «réfrigérateur», selon le vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas, Ghazi Hamad, en raison notamment de divergences sur la formation d'un nouveau gouvernement palestinien.

«Nous ne parviendrons pas à l'indépendance sans la réconciliation», arguait récemment M. Hamad, un modéré du Hamas, dans un entretien avec l'AFP.

Il est certain, selon les commentateurs, que la démarche onusienne représente un danger pour le Hamas, car une victoire du président Abbas renforcerait sa position dans l'opinion palestinienne et isolerait un peu plus le mouvement islamiste sur la scène internationale.

«Il s'agirait d'un revers pour le Hamas dans la mesure où le projet de l'Autorité apparaîtrait comme porteur de meilleurs résultats que le sien: un État et la reconnaissance internationale dans un cas, le blocus (israélien, NDLR) dans l'autre», explique Akram Atallah.