Le chef des Gardiens de la révolution a lancé lundi la première mise en garde d'un haut responsable du régime au président Hassan Rohani, qualifiant d'«erreur tactique» son contact téléphonique historique avec Barack Obama.

Cette critique est aussi une entorse aux souhaits de M. Rohani et du guide suprême iranien, Ali Khamenei, qui avaient demandé aux dirigeants de l'armée d'élite du régime iranien de ne pas s'occuper de politique.

«Le président a eu une position ferme et appropriée lors de son séjour, mais tout comme il a refusé de rencontrer (Barack) Obama, il aurait dû aussi refuser de lui parler au téléphone et attendre des actes concrets du gouvernement américain», a déclaré le général Mohammad Ali Jafari au site d'information Tasnimnews.com.

«Dans son action, le gouvernement peut faire des erreurs tactiques, comme l'entretien téléphonique, mais cela peut être réparé», a-t-il dit.

«Si l'on constate des erreurs chez les responsables, les forces révolutionnaires donneront les avertissements nécessaires», a mis en garde le militaire, sans donner plus de précisions.

Ce contact, établi vendredi à New York entre les présidents iranien et américain, est le premier du genre entre les deux pays qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980.

Outre cet entretien téléphonique, les chefs de diplomatie du groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) ont eu une rencontre sans précédent avec leur homologue iranien qui ont annoncé la reprise des négociations les 15 et 16 octobre à Genève.

Les Occidentaux et Israël soupçonnent l'Iran de cacher un volet militaire sous couvert de son programme nucléaire civil, ce que Téhéran dément. L'Iran est soumis depuis 2006 à des sanctions de l'ONU, renforcées en 2012 par un embargo pétrolier et financier imposé par les États-Unis et l'Union européenne.

À la tribune de l'ONU, M. Rohani a assuré que son pays n'était «pas une menace» et réaffirmé que la République islamique entendait utiliser l'énergie nucléaire «à des fins exclusivement pacifiques». Il a toutefois refusé de céder sur les «droits» de l'Iran, à savoir l'enrichissement d'uranium sur son sol.

Les Occidentaux ont exigé des «actes» de la part des Iraniens pour envisager une levée des sanctions.

Pour répondre à la «bonne volonté» affichée par l'Iran, les États-Unis doivent «lever toutes les sanctions contre la nation iranienne, débloquer les avoirs iraniens bloqués aux États-Unis, cesser leur hostilité à l'égard de l'Iran et accepter le programme nucléaire iranien», a énoncé le général Jafari, nommé par le guide suprême.

Le commandant de la Force aérospatiale des Gardiens, le général Amir-Ali Hadjizadeh, a jugé de son côté sur le site internet des Gardiens, sepahnews.com, qu'«avec un contact et un sourire (de M. Obama), on ne peut pas oublier l'hostilité des États-Unis».

Cette hostilité «continue depuis un demi-siècle, et même s'ils ont la volonté de changer, je ne pense pas que cela se produira rapidement», a-t-il ajouté.

Le ministre de la Défense, Hossein Dehghan, a toutefois soutenu la décision son président, estimant que l'entretien souhaité par M. Obama était le signe de «la puissance et la grandeur» de l'Iran.

Avant et pendant son séjour à New York, M. Rohani avait souligné avoir «la pleine autorité» sur les négociations nucléaires avec les Occidentaux, et le soutien du guide suprême, qui a le dernier mot sur les dossiers stratégiques.

Le guide suprême ne s'est pas encore exprimé sur l'entretien entre les deux présidents.

Le 17 septembre, l'ayatollah Khamenei avait affirmé qu'il n'était pas «nécessaire que (l'armée d'élite) entre dans le domaine politique». La veille, le président Rohani avait demandé aux Gardiens de «rester à l'écart des courants politiques», car ils étaient «au-dessus des tendances et des jeux politiques».

Le voyage de M. Rohani à New York a été largement salué en Iran et à l'étranger, même si une soixantaine de jeunes islamistes l'ont conspué à son retour à Téhéran samedi en criant «mort à l'Amérique» et «mort à Israël».