«Nous n'avons pas encore de stratégie»: Barack Obama a reconnu jeudi sans détour que les États-Unis n'étaient pas en position d'attaquer l'État islamique (EI) en Syrie, coupant court aux spéculations sur des frappes aériennes imminentes.

Après trois semaines de bombardements dans l'Irak voisin contre les positions des djihadistes ultra-radicaux, le président américain a souligné qu'il travaillait sur un projet à la fois militaire et diplomatique pour vaincre l'EI sur la durée, martelant que ce ne serait «ni rapide, ni facile».

Mais il a exclu des frappes à court terme en territoire syrien à l'issue de plusieurs jours d'intenses spéculations, alimentées par des déclarations de responsables du Pentagone mettant en garde contre un groupe qui dispose d'un «savoir-faire militaire tactique et stratégique sophistiqué» et va «bien au-delà» de toute autre menace terroriste.

L'armée américaine a mené une centaine de frappes aériennes dans le nord de l'Irak depuis le 8 août. Ces frappes ont notamment permis à l'armée irakienne et aux forces kurdes de reconquérir le barrage stratégique de Mossoul qui était aux mains des djihadistes.

Mais face à un mouvement qui affiche sa volonté d'établir un «califat» à cheval entre Irak et Syrie, le Pentagone travaille sur différentes options qui permettraient de répondre aux djihadistes des deux côtés d'une frontière que ces derniers cherchent à effacer.

«Nous avons besoin d'un projet clair», a souligné M. Obama lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche avant de réunir une nouvelle fois dans la soirée les membres de son Conseil de sécurité nationale.

Soulignant la nécessité de s'appuyer sur des «partenaires régionaux forts», il a annoncé que le secrétaire d'Etat John Kerry se rendrait prochainement dans la région pour bâtir une coalition indispensable pour répondre à cette menace qualifiée de «cancer».

Pas de choix à faire entre Assad et l'EI

M. Obama a par ailleurs estimé que les États-Unis n'avaient pas à faire de choix entre le régime de Bachar al-Assad d'une part et les djihadistes ultra-radicaux de l'État islamique d'autre part.

L'administration Obama, qui partage désormais avec Damas un ennemi commun clairement identifié, se trouve dans une position délicate. Le gouvernement syrien affirme qu'il est prêt à coopérer avec Washington pour lutter contre les djihadistes, mais que toute frappe en Syrie devra se faire en coopération avec Damas, sous peine d'être considérée comme une agression.

«Nous continuerons à soutenir l'opposition modérée car nous devons offrir aux gens en Syrie une alternative au-delà d'Assad ou de l'EI», a affirmé M. Obama.

«Je ne vois aucun scénario dans lequel Assad serait capable d'une façon ou d'une autre d'apporter la paix dans une région qui est à majorité sunnite. Il n'a jusqu'ici jamais démontré sa volonté de partager le pouvoir avec eux ou de chercher un accord», a-t-il ajouté, jugeant que le dirigeant syrien avait perdu toute légitimité sur la scène internationale.

Les propos du président ont suscité de vives réactions dans le camp républicain. «Cela confirme ce que nous disons depuis près de deux ans: il n'y pas de réelle stratégie», a souligné Mike Rogers, président de la commission du Renseignement de la  Chambre des représentants. «Tout le monde sait que vous ne pouvez arrêter l'IE en Irak (...) sans toucher à ce qui est considéré comme leur base, leur capitale, dans l'Est de la Syrie».

M. Obama a par ailleurs souligné sa volonté d'associer étroitement le Congrès à une éventuelle action militaire en Syrie. «Mais je ne veux pas placer la charrue avant les boeufs. Il est inutile que je sollicite le Congrès avant que je sache exactement ce que nous devons faire pour atteindre nos objectifs».

Il y a un an, le 31 août 2013,  le président américain annonçait que les États-Unis étaient prêts à frapper des cibles du régime syrien avec l'objectif de dissuader Bachar al-Assad de recourir de nouveau à son arsenal chimique après une attaque près de Damas qui avait fait plus de 1400 morts selon le renseignement américain.

Mais il faisait aussi part, à la surprise générale, de sa décision de soumettre cette décision à un vote du Congrès, écartant de facto une action militaire à court terme. Le vote, qui s'annonçait extrêmement difficile, n'avait finalement pas eu lieu, les frappes ayant été abandonnées après une proposition russe de destruction des armes chimiques syriennes.