Terry Strada a l'impression d'être embourbée dans un scénario à la Groundhog Day, ce film hollywoodien où le protagoniste est condamné à revivre la même journée maudite.

Le 11 septembre 2001, cette femme du New Jersey a perdu son mari, Tom, dans l'attentat contre la tour nord du World Trade Center. Et elle a vu son pays partir en guerre contre Al-Qaïda en Afghanistan, tout en occultant le rôle joué par l'Arabie saoudite dans cette tragédie.

Treize ans plus tard, les États-Unis sont de nouveau en guerre contre une organisation terroriste dont le financement provient en partie du royaume wahhabite. Et le pays continue à ignorer soigneusement les liens entre ses alliés prétendus - l'Arabie saoudite participe aux frappes menées par la coalition internationale pour éradiquer le groupe État islamique - et ses ennemis mortels du jour.

«C'est le même scénario qui se répète, jour après jour, comme dans Groundhog Day, déplore Terry Strada au cours d'un entretien téléphonique. Si nous ne pourchassons pas leurs bailleurs de fonds, les terroristes continueront à nous attaquer, comme nous le voyons aujourd'hui avec l'État islamique.»

Mais cette mère de trois enfants n'a pas abandonné l'espoir de faire éclater la vérité sur les liens entre l'Arabie saoudite et les musulmans extrémistes. Coprésidente d'un groupe représentant les familles du 11-Septembre, elle se bat depuis plusieurs années pour obtenir la déclassification de 28 pages censurées du rapport final de la commission nationale sur les attaques contre les États-Unis.

Le combat de Terry Strada a été relancé récemment par un groupe bipartite de la Chambre des représentants, qui a déposé une résolution appelant l'administration Obama à rendre public le document classé secret sous George W. Bush.

«Je pense que les 28 pages démontrent avec une clarté stupéfiante comment les attaques ont été planifiées, financées et exécutées», a déclaré le représentant démocrate du Massachusetts, Stephen Lynch, lors d'une conférence de presse à Washington le mois dernier.

«J'ai été absolument choqué par ce que j'ai lu», a dit de son côté le représentant républicain du Kentucky, Thomas Massie, en juillet dernier.

Comme tous ceux qui ont lu les 28 pages secrètes, les représentants Lynch et Massie ne sont pas autorisés à en divulguer les détails. Mais le journaliste Lawrence Wright, auteur d'un livre sur Al-Qaïda et le 11-Septembre, en a fait récemment un compte rendu dans l'hebdomadaire The New Yorker.

Selon Wright, le document revient notamment sur les liens noués aux États-Unis par deux des 15 pirates de l'air saoudiens, Nawaf al-Hamzi et Khalid al-Midhar, avec Omar al-Bayoumi, un autre ressortissant saoudien. Celui-ci a fourni à ses compatriotes l'argent nécessaire à leur installation dans un appartement à San Diego. Soupçonné d'être un espion, il était en contact fréquent avec l'ambassade d'Arabie saoudite à Washington et avec le consulat de ce pays à Los Angeles, où il a rencontré un représentant du ministère saoudien des Affaires islamiques. Ce ministère est souvent accusé de financer les activités de musulmans extrémistes.

Les 28 pages font également état des rapports entre les deux futurs kamikazes et Oussama Basnan, un autre ressortissant saoudien, dont la femme a reçu jusqu'à 73 000$ de la part de l'épouse du prince Bandar ben Sultan, alors ambassadeur de l'Arabie saoudite aux États-Unis. Cet argent, qui était censé financer un traitement médical, aurait été détourné en partie au profit des kamikazes du 11-Septembre, selon les avocats qui représentent 9/11 Families United for Justice Against Terrorism, le groupe de Terry Strada, dans un procès contre le gouvernement saoudien.

Des parlementaires qui ont lu les 28 pages reconnaissent que certains individus mentionnés dans le document ont peut-être agi à l'insu de leur gouvernement. D'autres précisent que certains liens entre les kamikazes du 11-Septembre et le gouvernement saoudien relèvent de la conjecture. Mais ils ne considèrent pas moins nécessaire la déclassification des 28 pages.

L'administration Obama répète de son côté qu'elle étudie la possibilité de rendre public le document. Mais sa décision tarde. Et les Américains paient le prix de cette attente, selon Terry Strada.

«Les Américains ont été amenés à croire faussement que les terroristes d'Al-Qaïda en Afghanistan sont ceux qui nous ont attaqués le 11 septembre, dit-elle. Or, personne ne connaît toute la vérité sur ceux qui ont financé et facilité les attaques. Cela est venu d'Arabie saoudite. Et compte tenu de notre affrontement actuel avec l'État islamique, un groupe qui a également été financé par l'Arabie saoudite, nous avons besoin de connaître cette vérité. Nous avons besoin de savoir qui sont nos ennemis et qui sont ceux en qui nous pouvons avoir confiance.

«C'est ridicule, ajoute Terry Strada. Les Saoudiens financent les musulmans extrémistes et ils nous demandent de réparer les dégâts quand ceux-ci échappent à leur contrôle.»