En dépit de l'abandon des poursuites à New York, un retour rapide sur la scène politique française de Dominique Strauss-Kahn est improbable tant l'affaire a terni l'image de celui qui incarna l'espoir d'une victoire de la gauche face à Nicolas Sarkozy, estiment des politologues.

«Je crois qu'il ne pourra plus prétendre à un rôle de premier plan dans la politique française», affirme à l'AFP Gérard Grunberg, chercheur à Sciences-Po à Paris.

Le procureur de New York a signifié lundi à Nafissatou Diallo, une femme de chambre qui accuse DSK de crimes sexuels, l'abandon des poursuites contre l'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), mettant fin à trois mois d'un sensationnel feuilleton politico-judiciaire.

Mais si l'ancien favori des sondages pour l'élection présidentielle française de 2012 est assuré qu'il n'ira pas en prison, l'affaire a durablement écorné son image, prenant des allures de lutte de classe entre une femme de ménage noire et un homme puissant.

«Son image dans l'opinion est très détériorée et le Parti socialiste avec ses dirigeants doivent lui en vouloir d'avoir raté cette occasion collective. Ni l'opinion, ni le parti ne voudront qu'il revienne à un poste de premier plan», analyse Gérard Grunberg.

«Je ne le vois pas jouer un rôle majeur», renchérit Rémi Lefèbvre, professeur de Sciences-Po à Lille (nord). «Son image a quand même été ternie avec les révélations sur sa vie sexuelle, sur les aspects matériels», relève-t-il, en référence au train de vie de DSK qui avait avoué lui-même avant que n'éclate l'affaire que ses principaux handicaps étaient liés «aux femmes» et «au fric».

La chute du candidat providentiel a été vécue comme un «coup de tonnerre» par les socialistes, de l'aveu même de la patronne du PS Martine Aubry.

Et alors que prenait corps début juillet l'hypothèse d'un «come-back» après les premiers doutes émis à New York sur la crédibilité de l'accusatrice, l'annonce d'une nouvelle plainte, cette fois en France, avait douché les derniers espoirs dans les rangs du parti.

La romancière française Tristane Banon, qui affirme avoir été agressée sexuellement en 2002 par Dominique Strauss-Kahn, a déposé plainte contre lui pour «pour tentative de viol», accusation que DSK a aussitôt rejetée.

Mais la perspective de longues enquêtes et d'éventuelles révélations nouvelles ont poussé les socialistes à tourner la page et à se lancer dans le combat des primaires qui devront désigner à l'automne leur candidat pour 2012.

François Hollande, ancien patron du PS, qui avait pris la place de favori après l'éviction de DSK, est désormais talonné par Martine Aubry, elle aussi entrée en campagne, après Ségolène Royal, candidate du parti en 2007 et d'autres jeunes cadres du PS.

Tous ont souhaité une issue favorable aux ennuis judiciaires de Dominique Strauss-Kahn, soulignant les «compétences» de l'homme, brillant économiste et européen convaincu. Tous se sont réjouis de l'abandon des poursuites, mais sont restés prudents quant à son avenir en politique.

Le député Jean-Marie Le Guen, un proche de DSK, a le premier réagi lundi soir, se félicitant que Dominique Strauss-Kahn «retrouve sa liberté d'action et de parole qui sera tant utile» à la France, sans aller plus loin.

Pour Frédéric Dabi (Ifop), «le train des primaires est largement lancé» et «on a du mal à imaginer un changement de calendrier».

D'autant que Dominique Strauss-Kahn peut encore faire face à des poursuites au civil aux Etats-Unis et à la plainte de Tristane Banon en France: «même si ce n'est pas une mise en examen, ça handicape sa prise de parole», souligne M. Dabi.

A plus long terme cependant, l'expérience de l'économiste DSK à la tête du FMI pourrait lui permettre d'avoir un poids sur la scène politique, soulignent certains.

«Il peut se prononcer sur des éléments de politique intérieure, avec une critique de la politique du gouvernement et sur la crise de la zone euro», imagine notamment M. Dabi.