À 8 h, Kadiatou part à la mine avec ses deux fils. Ils marchent 30 minutes avant d'arriver à la carrière de Maneah. Les garçons protestent et traînent les pieds.

«Ils n'ont pas le choix!» tranche Kadiatou.

Ils sont jeunes, 12 et 7 ans. Comme la plupart des enfants du village, ils prennent le chemin de la mine. Le travail est dur, exigeant. Les roches sont lourdes, le soleil rude et la poussière s'infiltre partout.

Même si Aboubacar, le plus jeune fils de Kadiatou, n'a que 7 ans, il travaille à la mine depuis trois ans. Il flotte dans son bermuda trop grand et son chandail baille autour de son cou maigre.

Il s'assoit par terre, prend un pilon et frappe le granit pour l'émietter, puis il le passe dans un tamis. Il transporte aussi des blocs sur sa tête. Chacun pèse environ 6 kilos. C'est ce qu'il déteste le plus, les gros blocs qui l'écrasent. «C'est très difficile», dit-il.

Le granit est vendu à des riches propriétaires qui veulent bâtir une maison ou à des constructeurs de route.

Le cas de Maneah n'est pas unique. Des enfants travaillent aussi à Dubreka, Forécariah et Kindia, des villes qui abritent une carrière.

Les compagnies minières n'embauchent pas d'enfants. Les villageois s'installent à la périphérie et se greffent aux carrières existantes.

Environ 1000 enfants travaillent dans les mines en Guinée. Certains dans des carrières de granit, comme Aboubacar, d'autres dans des mines d'or et de diamants dans l'arrière-pays où les conditions de travail sont éprouvantes. Les hommes creusent des galeries profondes, les femmes et les enfants transportent des blocs d'argile. Les risques sont multiples: éboulements, intoxication, chaleur excessive.

Aboubacar n'est pas obligé de ramper dans une galerie souterraine, mais il respire de la poussière du matin au soir. Il travaille avec son père, sa mère et son frère. Il a deux soeurs de 4 et 6 ans. Elles passent la journée avec leur grand-mère, mais bientôt, elles aussi casseront du granit.

Aboubacar va à l'école le matin et à la mine l'après-midi, mais pendant les vacances, il passe ses grandes journées dans la carrière.

Le père d'Aboubacar était conducteur de pelle mécanique, mais en 1990, la société a fermé ses portes. Il s'est résigné à travailler à la mine, comme 80 % des gens de son village.

Kadiatou n'aime pas voir ses fils traîner dans la poussière et transporter des blocs de granit sur leur tête, mais elle n'a pas le choix. «Il n'y a pas de travail, il faut se débrouiller, dit-elle. À la mine, la famille ramasse 10 000 francs par jour. Il nous en coûte 15 000 pour nous nourrir.»

Le travail des enfants est interdit. «C'est illégal depuis l'adoption du code de l'enfant en mai, affirme la spécialiste de la protection de l'enfance à l'UNICEF, Aïcha Conté. Avant, aucune loi ne protégeait les enfants, il y avait un vide juridique.»

Mais pas question d'envoyer la police dans les mines ou de jeter des pères en prison parce qu'ils forcent leurs enfants à travailler.

«Les parents se servent de cet argent pour nourrir leur famille ou envoyer leurs enfants à l'école, explique Aïcha Conté. Nous n'allons pas utiliser la méthode forte, mais plutôt la sensibilisation.»

Le ministre des mines, Loucéni Nabé, sait que des enfants travaillent dans les mines. Tout le monde est au courant.

«C'est condamnable à tout point de vue, dit-il, mais la pauvreté peut conduire à beaucoup de choses. Il faut bien faire bouillir la marmite.»

La mine de Maneah existe depuis des années. À l'âge de 14 ans, la mère d'Aboubacar tamisait déjà du granit. La carrière est riche et en pleine production. Les enfants d'Aboubacar vont probablement y travailler.