Des dizaines de milliers de civils ont pris la fuite dans le nord de la Syrie où le régime, appuyé par l'aviation russe, a intensifié jeudi son offensive visant à assiéger la partie de la ville d'Alep aux mains des rebelles.

«60 à 70 000 personnes» pourraient se réfugier en Turquie après avoir fui l'offensive du régime, a averti le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, dont le gouvernement est opposé au régime de Bachar al-Assad.

Il s'exprimait lors d'une conférence de pays donateurs organisée à Londres qui a réuni plus de 10 milliards de dollars pour aider les populations affectées par le conflit, selon le premier ministre britannique David Cameron.

Parallèlement, les fragiles espoirs d'une esquisse d'une solution politique ont été de nouveau douchés avec la suspension annoncée mercredi des pourparlers supervisés par l'ONU entre pouvoir et opposition à Genève.

Au contraire, le ton est monté, plusieurs pays occidentaux accusant Damas et son allié russe d'être responsables de la déconvenue de Genève.

Les États-Unis ont de nouveau réclamé que les Russes arrêtent leurs bombardements qui visent, selon eux, les rebelles et non les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui contrôlent de vastes territoires en Syrie.

Les avions russes ont bombardé 875 «cibles terroristes» lors des «trois derniers jours», notamment dans la région d'Alep, selon Moscou.

«Le début de la fin»

Les frappes russes de jeudi - 130 selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) - ont fait au moins 21 morts parmi les civils, dont trois enfants, dans des quartiers rebelles d'Alep, a indiqué cette ONG.

L'ancienne capitale économique du pays est depuis 2012 une place forte des rebelles qui en contrôle l'est tandis que les quartiers ouest sont aux mains du régime.

Les rebelles se trouvent désormais dans une situation extrêmement difficile, les forces progouvernementales ayant réussi à couper leur principale route d'approvisionnement jusqu'à la Turquie.

Si l'armée avance davantage vers Alep, «le siège sera total», selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH. «À moins qu'ils ne reçoivent une aide urgente des pays du Golfe et de la Turquie, cela pourrait marquer le début de la fin pour eux».

L'offensive lancée lundi par l'armée a poussé près de 40 000 civils de la région à fuir leurs foyers, selon l'OSDH. Des milliers d'entre eux se trouvent sans abri dans le nord de la Syrie, notamment près de la frontière avec la Turquie.

S'alarmant du nombre de réfugiés se dirigeant vers la Turquie, M. Davutoglu a accusé «les complices de Bachar al-Assad» d'être «tout autant coupables de «crimes de guerre», en référence à Moscou.

L'armée russe a de son côté affirmé avoir «de sérieuses raisons» de croire qu'Ankara préparait une «intervention militaire» en Syrie. Elle a cité l'accumulation à la frontière d'hommes et de matériel et l'interdiction par Ankara du survol de son territoire par un avion de reconnaissance russe.

«Fermer la frontière»

«Les prochains objectifs sont de fermer la frontière avec la Turquie pour empêcher l'arrivée de troupes et d'armes (aux rebelles, NDLR)», a déclaré pour sa part à l'AFP un haut responsable syrien.

Pour Maamoun al-Khatib, un militant du nord d'Alep, «la situation dans la région d'Alep est catastrophique pour les civils, notamment dans les localités de Tell Refaat, Azaz et Marea assiégées de trois côtés. Il ne leur reste qu'une seule route pour aller en Turquie».

«300 000 personnes vivant dans ces régions sont menacées alors que l'aviation russe lance des raids intenses» depuis plusieurs jours, a-t-il ajouté via internet.

Le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra vendredi des consultations avec le médiateur de l'ONU en Syrie Staffan de Mistura qui devra expliquer pourquoi il a décidé une «pause» jusqu'au 25 février des discussions à Genève.

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a affirmé que «l'offensive brutale» lancée par le régime à Alep «avec le soutien de la Russie torpille les négociations».

Le secrétaire d'État américain John Kerry a rappelé lors d'une discussion «musclée» avec son homologue russe Sergueï Lavrov, qu'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU appelait à un cessez-le-feu immédiat pour permettre l'acheminement de l'aide aux villes assiégées.

Signe que la paix n'est pas à l'ordre du jour pour ce conflit impliquant plusieurs puissances étrangères, un général saoudien a indiqué que l'Arabie saoudite serait prête à se joindre à toute opération terrestre en Syrie si la coalition antidjihadiste menée par Washington dont elle fait partie prenait une telle décision.