Les États-Unis ont mis en avant vendredi le devoir d'agir en Syrie devant l'accumulation des preuves sur la responsabilité du régime dans l'attaque aux armes chimiques du 21 août, Barack Obama évoquant une action «limitée».

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Après le coup de théâtre jeudi à Londres, où le Parlement a rejeté une intervention militaire, et face à l'impasse à l'ONU, Washington a dit pouvoir compter sur des alliés comme la France, la Ligue arabe et l'Australie.

Le président des États-Unis a souligné qu'il réfléchissait à une action militaire «limitée» contre le régime de Bachar al-Assad en réponse à cette attaque qui a fait, selon le renseignement américain, au moins 1429 morts dont 426 enfants, près de Damas.

Assurant qu'un recours à de tels armes menaçait la sécurité nationale américaine, M. Obama, qui s'exprimait à la Maison-Blanche, a affirmé qu'il n'avait pas pris de «décision finale» mais que le monde ne pouvait pas accepter que des femmes et des enfants soient gazés.

Dans une déclaration solennelle, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a de son côté justifié la position américaine en présentant les conclusions des agences de renseignement américaines sur l'attaque.

La Maison Blanche a publié un rapport de renseignement de quatre pages dans lequel la communauté américaine du renseignement dit avoir la «forte certitude» que le régime de Bachar al-Assad est responsable de l'attaque.

«Les États-Unis concluent avec une forte certitude que le gouvernement syrien a commis une attaque aux armes chimiques dans les faubourgs de Damas le 21 août 2013», indique ce document.

Le texte, édulcoré pour ne pas compromettre les sources américaines, rejette également la théorie défendue par Damas et la Russie selon laquelle la rébellion serait responsable de cette attaque. Une «hypothèse hautement improbable», selon Washington.

Le président américain Barack Obama «a dit très clairement que, quelle que soit la décision qu'il prendra sur la Syrie, elle ne ressemblera en rien à l'Afghanistan, l'Irak ou même la Libye. Il n'y aura pas de troupes au sol», a insisté M. Kerry.

La question d'une action militaire «va au-delà» de la Syrie, mais doit servir d'avertissement à l'Iran, au Hezbollah ou à la Corée du Nord, que les États-Unis ne resteront pas inertes si un jour ils «songeaient à recourir à des armes de destruction massive», selon M. Kerry.

«L'histoire nous jugera avec une sévérité extrême si nous fermons les yeux devant le recours gratuit par un dictateur à des armes de destructions massives en dépit de toutes les mises en garde, en dépit de la plus simple décence».

«responsabilité indubitable du régime»

M. Obama s'est entretenu au téléphone avec le président français François Hollande. Les deux hommes «partagent la même certitude sur la nature chimique de l'attaque» et la «responsabilité indubitable du régime», selon l'entourage du chef de l'État français qui a fait état lors de cet entretien de «la grande détermination de la France à réagir et à ne pas laisser ces crimes impunis».

À Paris, on estime que le refus de Londres d'intervenir en Syrie ne change pas la position de la France qui souhaite une action «proportionnée et ferme» contre le régime de Damas, selon François Hollande.

La président français n'a pas exclu des frappes aériennes avant mercredi, date de la session extraordinaire du Parlement français sur la Syrie.

De fait, une «fenêtre d'opportunité» pour d'éventuelles frappes va s'ouvrir quand les experts de l'ONU doivent quitter la Syrie samedi.

Ils ont d'ores et déjà terminé leur travail et devraient «rapidement» faire un rapport sur l'usage éventuel d'armes chimiques dans le conflit syrien, a déclaré vendredi le porte-parole des Nations unies.

La haute représentante de l'ONU pour le désarmement Angela Kane a elle déjà quitté Damas vendredi et rendra compte à Ban Ki-moon de sa mission samedi à New York.

Le secrétaire général de l'ONU a pour sa part reçu vendredi pendant un peu plus d'un heure les ambassadeurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, France, Royaume-Uni, Chine, Russie) pour évoquer le déroulement de l'enquête.

À la Maison-Blanche, Barack Obama n'a pas manqué de rappeler l'«impuissance» du conseil de sécurité, bloqué depuis le début de la crise syrienne.

Fermement opposé à toute intervention dans le conflit en Syrie dont il est le fidèle allié, le Kremlin a averti qu'une intervention militaire porterait un «coup sérieux» à l'ordre mondial basé sur le rôle central des Nations unies. Moscou a décidé d'envoyer deux nouveaux bateaux de guerre en Méditerranée.

Les États-Unis n'ont cessé quant à eux de renforcer leurs capacités face aux côtes syriennes. Ils disposent désormais de cinq destroyers équipés de missiles de croisière capables de mener des attaques ciblées contre des dépôts de munitions ou des infrastructures stratégiques du régime Assad.

En dépit des menaces d'intervention militaire, les agences humanitaires de l'ONU ont indiqué que leur personnel continuait de travailler en Syrie, ravagée par une guerre dévastatrice depuis près de deux ans et demi qui a fait plus de 100 000 morts et poussé à la fuite des millions de Syriens.

Dans la capitale syrienne, place forte du régime qu'il défend avec acharnement face aux attaques rebelles, l'ambiance est à la mobilisation. Les policiers dans leurs voitures sont prêts à faire face à tout désordre, les agents de sécurité patrouillent en armes dans certaines rues et les contrôles sont plus stricts aux barrages routiers.

«Rester à Damas et attendre les coups, c'est terrifiant», assure Joséphine, une femme médecin habitant le quartier de Mazzé, qui craint le déclenchement d'une offensive occidentale après le départ des experts de l'ONU.

«Je voudrais m'accrocher à eux pour qu'ils ne quittent pas la Syrie», confie une autre habitante, Samar. «Je ne veux pas de frappe».

Enfin, plusieurs pays continuaient en outre de se préparer à d'éventuelles répercussions en cas de frappes. Israël a notamment annoncé le déploiement de batteries anti-missiles dans le nord mais aussi, selon la radio militaire , dans l'agglomération de Tel-Aviv.