Qui dit guerre dit habituellement sauve-qui-peut et évacuations massives des étrangers établis dans le pays en conflit. Mais au Mali, la communauté d'expatriés ne semble pas prête à lever le camp, a constaté notre collaborateur sur le terrain.

Les premiers soldats africains foulent le sol du Mali et les combats continuent. Loin de la guerre, Bamako est menacé par les attaques. Mais les quelques milliers d'étrangers installés au Mali, dont plusieurs centaines de Canadiens, résistent à la panique.

«Je vais rester. Ma femme est malienne. C'est aussi mon pays.» Gino Pelletier n'a aucune intention de partir. Depuis 2000, le Néo-Brunswickois a multiplié les séjours pour finalement s'établir à Ségou, tout près de la ligne de front, et y tenir un hôtel, le Djoliba. «Je ne me sens pas en insécurité. Si je l'étais, je ne serais plus là. Je me sens bien ici et les Maliens ne veulent pas qu'on parte.»

Le Canada a évacué son personnel non essentiel et 29 personnes à charge la semaine dernière. Malgré la multiplication des alertes des ambassades et la menace d'attaques terroristes, il n'y a pas de cohue à l'aéroport. Rien à voir avec les centaines de voyageurs paniqués qui ont envahi le bâtiment vétuste en mars 2012 après le coup d'État.

«Tout se déroule normalement, rien à signaler», indique un agent de police de l'aéroport, assis calmement en train de prendre le thé sucré à la malienne.

Sécurité renforcée

Valérie Beilvert, membre de la communauté française au Mali, qui compte 6000 personnes, a elle aussi décidé de rester malgré les alertes. «On ne se sent pas menacés. Il y a la présence des militaires français à Bamako. Ça nous rassure.» La Française, propriétaire d'une agence d'intérim, est aussi une bénévole pour relayer les messages consulaires. «Dans mon secteur, personne n'est parti depuis le printemps dernier. On veut rester.»

Elle craint cependant pour la scolarité de sa fille. Le lycée français, une école qui reçoit beaucoup d'enfants d'expatriés, est fermé depuis deux semaines. Il devrait rouvrir une fois que les bâtiments seront sécurisés et que des militaires français y seront postés.

La sécurité à Bamako est sans cesse renforcée depuis l'attentat contre l'ambassade de France en janvier 2011 et le coup d'État de mars 2012. Des militaires canadiens protègent maintenant l'ambassade du Canada. À l'ambassade de France, on construit une palissade avec des murs d'un mètre d'épaisseur. Sur la une des journaux locaux, les rumeurs d'attentats pullulent.

Un havre de paix

Si les expatriés, tant occidentaux qu'africains, ne paniquent pas, la vie à Bamako est peu animée. Plusieurs restaurants et hôtels ont dû fermer leurs portes. Les gens qui veulent sortir se donnent rendez-vous au Bla-Bla, restaurant-bar à l'ambiance éclectique et institution à Bamako, tant chez les expatriés que chez les Maliens.

«C'est un îlot de résistance de la bonne humeur», explique François-Xavier Gbré, un photographe ivoirien établi à Bamako qui s'accorde plusieurs fois par semaine sur le bar pour discuter avec le propriétaire. «Il n'y a pas une très grande affluence, mais il y a des gens qui ont envie de parler. On y est bien. Ça reste un des derniers endroits toujours animés.»