S'attaquer aux racines de la colère et remettre en cause le soutien de nos propres gouvernements aux groupes extrémistes.

Voilà ce que proposent des experts qui croient qu'au mal du terrorisme islamiste, il faut apporter des remèdes politiques.

Climat de diversité

François Crépeau, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'homme des migrants et professeur de droit à l'Université McGill

François Crépeau ne croit pas qu'on puisse faire disparaître d'un coup de baguette le terrorisme islamiste. En plus de prôner le renforcement des services de renseignement et la collaboration internationale, le professeur de droit croit que sur le plan social, les pays occidentaux ont un défi à relever : créer un véritable climat de diversité.

« Nous avons besoin de politiques d'intégration plus solides, notamment dans l'enseignement de la langue. Nous devons investir dans ceux qui arrivent dans nos sociétés. Nous devons mettre de l'avant une véritable égalité citoyenne pour tous, peu importe le statut de quelqu'un », énumère-t-il.

Selon le rapporteur spécial des Nations unies, la France a beaucoup de retard en la matière. « Il y a une véritable marginalisation des banlieues, dont certaines sont composées à 97 % d'immigrés. C'est particulièrement vrai pour les jeunes hommes de ces banlieues. Il y a aussi en France tout un discours républicain d'assimilation avec un refus d'un certain nombre de pratiques personnelles. On peut notamment penser au port du voile dans les écoles. Le message qu'il faut envoyer, c'est un message de liberté pour tous et des moyens pour les faire respecter », plaide M. Crépeau.

Selon l'expert, cet ensemble de mesures permet aux citoyens de trouver du soutien dans la communauté plutôt qu'auprès de groupes extrémistes qui ont alors le loisir de les manipuler.

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis

Rachad Antonius, chercheur à l'Institut d'études internationales de Montréal et professeur de sociologie à l'Université du Québec à Montréal

« En Afghanistan, les puissances occidentales soutiennent les groupes extrémistes depuis 30 ans. En Syrie, elles le font depuis cinq ans pour faire tomber le régime de Bachar al-Assad. Nous devons remettre en question l'appui aux groupes islamistes sous prétexte de combattre des dictatures », dit Rachad Antonius.

Le sociologue note que les exemples abondent : en Libye, en Irak, par exemple. « Notre plus grand allié, l'Arabie saoudite, est le plus grand financier de ces groupes, note-t-il. On néglige le potentiel du retour chez nous de ces organisations extrémistes. »

Selon lui, le soutien de l'Occident aux groupes islamistes extrémistes se fait en toute connaissance de cause. Ancien cadre des services de renseignement français, Alain Chouet avait mis en garde le gouvernement français lorsque celui-ci avait décidé d'envoyer des armes aux groupes rebelles syriens, qui, au moment de la décision, étaient déjà dominés par les extrémistes. En vain.

Respecter notre propre droit

Andrea Prasow, avocate américaine et directrice adjointe du bureau de Human Rights Watch à Washington

Abou Ghraïb. Guantánamo. Ces deux prisons américaines et les violations des droits de l'homme qui y ont eu lieu sont un outil de recrutement efficace pour les groupes islamistes extrémistes, note Andrea Prasow.

Selon l'experte du contre-terrorisme, la réponse des États-Unis et des autres pays occidentaux aux attentats terroristes a un effet sur le terrorisme lui-même. « Je crains que l'on ne voie des réactions exagérées à l'attentat de cette semaine. La France, la Grande-Bretagne et d'autres pourraient utiliser les événements pour mettre sur pied des lois répressives. Ces dernières sont utilisées par les organisations extrémistes pour recruter de nouveaux terroristes », dit Mme Prasow. Elle s'inquiète particulièrement des attaques américaines menées à l'aide de drones dans plusieurs pays musulmans, dont le Yémen et le Pakistan. Ces attaques, qui font des victimes parmi les civils, envoient des gens neutres dans les bras des organisations extrémistes. « Les gens voient leurs proches mourir. Nous avons fait des recherches au Yémen, et les gens nous disent qu'ils sont pris entre les drones et Al-Qaïda », dit l'experte des droits de l'homme. « La violation de notre propre droit donne l'impression que les pays occidentaux sont au-dessus de la loi », dit-elle. « Nos actions planétaires ont des conséquences planétaires. »