Des résidants du quartier où le deuxième suspect des attentats de Boston a été capturé ont raconté à La Presse comment ils ont vécu cette traque sans précédent.

Le réveil a été brutal vendredi matin pour Sandra Pinzone. «Mon père m'a appelée pour me dire que le suspect recherché se trouvait dans mon quartier. Je ne le croyais pas!», raconte cette résidante de la rue Washburn, encore sur l'adrénaline lorsque nous l'avons rencontrée dans la nuit d'hier.

Elle et d'autres voisins étaient sortis jeter un oeil à la maison blanche située au bout de la rue Franklin, étroitement surveillée par les policiers. C'est là que les autorités ont mis fin à la cavale de Dzhokhar Tsarnaev, 19 ans, qui a plongé la municipalité de Watertown en état de siège durant près de 24h. Il avait trouvé refuge dans un bateau entreposé dans la cour de la résidence.

Tout de suite après l'arrestation du suspect et la levée du périmètre de sécurité, La Presse a pu récolter à chaud les témoignages de quelques voisins. Sandra Pinzone raconte avoir passé la journée scotchée à son téléviseur, où défilaient en boucle des images de son pâté de maisons. «Je n'en revenais pas à quel point on était au coeur de l'action. On pouvait ressentir la panique et la peur dans l'air. Tout était silencieux, comme si quelque chose allait se produire», explique-t-elle.     

Par sa fenêtre, elle observait le défilé de policiers et de militaires qui quadrillaient le quartier. La poursuite sanglante dans laquelle le frère aîné du fugitif, Tamerlan, avait péri quelques heures plus tôt a amené les autorités à croire qu'il se terrait dans les parages, possiblement blessé.

En début de soirée, les policiers amorcent les recherches dans le pâté voisin. Sandra Pinzone décide alors de sortir voir ce qui se passe. Quelques minutes à peine. Des autopatrouilles arrivent alors en grand nombre. Le silence des dernières heures fait place à une indescriptible cacophonie, dans laquelle s'entremêlent les sons des sirènes, hélicoptères, coups de feu et grenades assourdissantes. «Retourne dans ta maison immédiatement!», lui ordonne un policier. «C'était la panique chez moi. Ma mère pleurait dans mes bras et me répétait de ne pas m'approcher de la fenêtre.»

Les policiers étaient alors partout dans le voisinage, l'arme au poing. Mme Pinzone était au téléphone avec une amie lorsque les premiers coups de feu ont retenti. «Le bruit était tel que même mon amie les entendait au bout du fil.»

Soudain, plus rien. Le vacarme cesse brusquement. «Je me disais: est-ce qu'il va faire sauter des tonnes d'explosifs et entraîner d'autres gens dans la mort? Va-t-il se suicider? J'espérais qu'il s'en sorte vivant pour faire face à la justice», explique Mme Pinzone.  

Des applaudissements et des cris de joie brisent l'angoissant silence. Le suspect vient d'être arrêté. «Tout le monde se faisait des accolades, même des gens qui ne se connaissaient pas. C'était un sentiment incroyable», soupire la femme.

«Les rues ressemblaient à des stationnements pour autopatrouilles»

Nicolas Arcolano et Joy Lamberton Arcolano sirotaient un verre de bourbon sur leur balcon, tout juste après l'arrestation du suspect à quelques mètres de chez eux. Quelques heures plus tôt, des policiers avaient passé au peigne fin le terrain de leur immense résidence. «Ils ont fouillé le jardin et le terrain de jeu des enfants», raconte Nicolas Arcolano.

Les policiers ont ensuite transporté les recherches un plus loin. Ils sont revenus en trombe quelques minutes plus tard. «Les rues ressemblaient à des stationnements pour autopatrouilles», explique le jeune homme, qui a estimé à 200 le nombre de policiers déployés. «Après les premiers coups de feu, on a un peu paniqué. On a entraîné les enfants dans un endroit sécuritaire dans la maison», ajoute M. Arcolano.

Puis, les clameurs se sont élevées, la menace était neutralisée. Le couple admet avoir trouvé surréaliste de se retrouver au coeur d'événements suivis d'heure en heure à travers le globe. «C'est probablement la chose la plus bizarre qui va nous arriver dans notre vie. Espérons-le», résume Joy Lamberton Arcolano.

Église ouverte pour priser

«Église ouverte pour prier», pouvait-on lire sur la pancarte devant la Church of good sheppard, située au bout de la rue. Le leader de la congrégation, Stephen Steadman, a décidé d'ouvrir les portes de son église, d'ordinaire fermée le samedi. «Les paroissiens ont été confinés chez eux, ont entendu les coups de feu, les sirènes. On voulait leur donner une chance de partager ce qu'ils ont vécu et aussi de prier», explique l'homme d'Église.

Comme plusieurs, M. Steadman se dit reconnaissant que le jeune suspect soit toujours en vie. «On va peut-être avoir une chance de comprendre ce qui s'est passé.»

L'enquête

L'enquête sur l'attentat de Boston s'est orientée samedi sur le parcours des frères Tsarnaev. Les policiers espèrent pouvoir interroger rapidement le cadet, qui repose toujours à l'hôpital, grièvement blessé.

Les attentats survenus la semaine durant le marathon de Boston ont fait 3 morts et 180 blessés.