L'ex-président Jacques Chirac, accusé de détournement de fonds publics, pourrait s'en tirer à bon compte grâce à une entente à l'amiable avec la mairie de Paris, au risque de donner l'impression de bénéficier d'un traitement de faveur.

L'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné a dévoilé la semaine dernière qu'un protocole prévoit le versement d'une indemnité de plus de 2 millions d'euros à la Ville, laquelle accepterait en échange de se retirer des poursuites judiciaires intentées contre l'ex-politicien.

La somme compenserait le coût des salaires qu'a versés l'administration municipale à une vingtaine de «chargés de mission» au début des années 90, à l'époque où Jacques Chirac était maire de Paris.

La juge d'instruction chargée de l'enquête avait conclu que plusieurs de ces personnes étaient vraisemblablement affectées à des activités politiques pour le parti de M. Chirac, le RPR, plutôt qu'à des tâches municipales.

C'est «dans le souci d'apaiser une source de polémique préjudiciable à Paris et à ses habitants» et non de reconnaître la moindre malversation que l'ex-président a «souhaité» la conclusion de cet accord, a expliqué son avocat, Jean Veil.

«Déni de justice»

Comme le relève le quotidien Le Monde, le fait que la Ville se retire du procès faciliterait grandement les choses pour Jacques Chirac puisque le parquet a déjà annoncé qu'il entendait demander la relaxe du président. «Faute de partie civile et face à un parquet bienveillant, l'accusation ne risque guère d'être mordante», souligne le journal.

Les trois quarts de l'indemnisation prévue seraient versés par l'UMP, successeur du RPR, à l'initiative du président Nicolas Sarkozy.

L'ex-juge d'instruction Eva Joly a vertement dénoncé l'accord, qui doit être voté par le conseil municipal à la fin du mois de septembre. Le procédé est un «coup de canif supplémentaire dans la confiance qui doit régner dans la justice», a-t-elle souligné. Elle ne voit pas pourquoi l'UMP devrait financer la dette créée par Jacques Chirac.

Les verts, qui forment un gouvernement de coalition avec les élus socialistes du maire Bertrand Delanoë, favorable à l'entente, estiment que le protocole est une «faute politique» et «un déni de justice».

La part de l'UMP

Hier, le premier ministre François Fillon s'est dit favorable à ce que l'UMP fournisse sa part de l'indemnisation prévue par le protocole. D'autant plus, a-t-il souligné, que la décision «n'éteindrait pas l'action pénale» lancée contre l'ex-président.

«Les Français souhaitent dans leur immense majorité qu'on lui laisse couler des jours tranquilles», a déclaré M. Fillon.

Dans le Journal du dimanche, Olivier Jay avance que peu de gens au pays se plaindront d'être privés d'un «vrai procès», mais Le Monde n'est pas d'accord. «Désamorcer aujourd'hui le procès qui l'attend, ce n'est pas seulement faire deux poids, deux mesures: pour une affaire similaire, Alain Juppé a été condamné. C'est surtout redonner aux Français l'image d'un président qui n'est décidément pas un justiciable comme les autres: ni pendant son mandat, ce qu'on peut comprendre, ni après, ce qui n'est pas admissible», souligne le quotidien.